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Ousmane Mbaye, Directeur du commerce intérieur: «Ce que nous comptons faire sur les bouillons, le loyer...»

Ces dernières années, l’Etat du Sénégal a pris des mesures pour faire baisser les prix du loyer et de plusieurs autres produits. Le Directeur du commerce intérieur, Ousmane Mbaye, nous fait dans cet entretien accordé à nosamis de Seneweb, un bref bilan de la gestion des prix et lève le voile sur le travail qui sera fait en 2016.


Directeur quel bilan faites-vous de la gestion des prix en 2015 ?

L’année 2015 a été véritablement une année de consolidation des acquis. Si vous en avez souvenance, entre 2013 et 2014, beaucoup de choses ont été faites en termes d’administration des prix de certaines denrées. Les prix du riz, de l’huile, du sucre cristallisé, de la farine, du pain, des hydrocarbures y compris le gaz butane ont connu des baisses assez importantes. En 2015, il fallait consolider ces acquis et maintenir cette stabilité des prix car il s’agit, pour l’essentiel, de produits importés qui dépendent du marché mondial qui, du reste, est très fluctuant. Il est vrai que le marché a été assez favorable pour la plupart de ces denrées bien que cette situation ait été atténuée par l’appréciation du dollar par rapport à l’euro. Ce qui risquait d’impacter de façon négative les prix de certaines denrées. Mais on a pu gérer tout cela de sorte que les prix administrés n’ont pas connu de perturbations. La seule spéculation qui a connu une fixation de prix c’est l’arachide avec la détermination d’un prix plancher en deçà duquel on ne peut pas acheter l’arachide. L’objectif est de garantir un prix rémunérateur au paysan dans un contexte de fortes productions qui est souvent favorable à des phénomènes de bradage de récoltes, connues par le passé.

Pour les prix, y aura-t-il de nouvelles baisses ?

Sur les prix, nous sommes toujours dans la même dynamique de consolidation et de stabilisation. Comme l’avait si bien rappelé monsieur le Président de la République, à chaque fois que le contexte permettra de faire baisser les prix, nous le ferons. Mais il ne faudrait pas aussi que nous soyons trop obnubilés par une baisse des prix. Parce qu’en vérité, une baisse des prix obéit à un principe d’équilibre qui préserve également l’intérêt de l’opérateur; à défaut, elle peut provoquer une distorsion du marché qui peut donner lieu à des situations non souhaitables. A titre d’exemple, si vous fixez un prix qui ne permet pas à l’opérateur de se faire une marge bénéficiaire, qui rémunère son investissement, vous créerez les conditions de rupture ou de déséquilibre d’offre qui est un terreau fertile à la spéculation. Toujours est-il qu’un suivi régulier est fait sur les produits à l’international comme sur le plan national dans le cadre du Comité de suivi des prix des denrées de première nécessité. Des projections sont faites, de façon mensuelle, dans un court et moyen terme aux fins de donner plus de visibilité à l’Etat pour anticiper sur d’éventuels ajustements.

La baisse du loyer a fait souffler beaucoup de locataires. Mais nombre de bailleurs parviennent à se jouer de la loi…

La loi portant baisse du loyer intervenu en janvier 2014 était conjoncturelle. Elle prévoyait une baisse des baux non conformes à la loi contractés précédemment. C’est-à-dire que les baux qui n’étaient pas calculés suivant la méthode de la surface corrigée et qui étaient contractés avant la loi devaient connaître une baisse aux termes de la loi 2014-03 du 22 janvier 2014. Dès le vote de la loi, nous avons mis en place une stratégie pour veiller à une bonne application. Sur l’ensemble du territoire, nous avons reçu quelques 10 000 réclamations dont 90% ont été traitées et certaines réorientées vers la Direction des Domaines pour saisine du Juge du loyer. Cependant, il convient de noter les difficultés rencontrées sur les baux qui ont été contractés ultérieurement (après la loi) et qui n’entraient pas dans le champ d’application de cette dernière. Ce sont des baux qui devaient se conformer à la méthode de calcul de la surface corrigée au regard des dispositions de la loi n°81-21 du 25 juin 1985 et de son décret d’application. Mais à ce niveau, nous avons des limites de compétence car c’est la Direction générale des Impôts et Domaines qui a en charge l’application de ce texte. Toutefois, de notre ministre, nous avons reçu des instructions fermes pour procéder à une évaluation de l’application et comptons organiser, dans le premier trimestre de 2016, une rencontre d’évaluation pour partager les réussites,  les insuffisances que nous avons notées et les perspectives en termes d’amélioration.

A côté de cet aspect conjoncturel, n’y a-t-il pas un besoin ardent de régler la question de façon structurelle ?

Aujourd’hui, des mesures sont mises en œuvre par le gouvernement et qui peuvent contribuer à régler la question du loyer de façon structurelle à côté de celles conjoncturelles que l’Etat est obligé de prendre face à certaines pratiques spéculatives injustifiées. Mais ce qui est le plus viable, c’est d’agir sur l’offre de logement. Et le gouvernement est en train de dérouler un programme de logements à Diamniadio et un peu partout pour que l’accès aux logements devienne plus facile. Et c’est en agissant sur l’offre qu’on pourra régler le problème de façon structurelle. A côté, il faut qu’on réfléchisse sur des mesures règlementaires économiquement viables qui puissent sauvegarder les intérêts des bailleurs et des locataires. Parce qu’aussi, l’Etat est là pour les deux parties. Ceux qui investissent dans le loyer s’attendent de façon légitime à un retour sur investissement. Et si ce n’est plus rentable, ils n’investiront pas. Et s’il n’y a pas d’offre de logement aussi le problème restera entier. Donc, cette question ne pourra être résolue que de façon globale.

Ne faudrait-il pas aussi un suivi du secteur dans sa globalité?

Il faut qu’après la loi, tous les baux qui ont été contractés soient mieux encadrés. Il en est de même de tout ce qui tourne autour du loyer. Aujourd’hui, il y a les agences immobilières qui, quand vous voulez louer un appartement, vous demandent 3 mois d’avance et des commissions qui ne se justifient pas. Parce que le dispositif juridique qui encadrait l’activité des agences immobilières a été libéralisé et le secteur a été complètement dérèglementé. Du coup, le locataire est à la merci de ces opérateurs sans qu’aucune forme de protection ne lui soit garantie. Nous avons conscience de tout cela et sommes en train de faire de sorte que les baux qui sont contractés le soient dans un cadre règlementé, que les gens qui agissent dans ce secteur sachent c’est quoi leurs obligations. Même aujourd’hui, en termes de fiscalité, beaucoup de ressources échappent à l’Etat parce que des baux qui sont contractés ne sont pas soumis à l’administration fiscale comme prévu par la loi. Mais le laisser aller dans le secteur est source d’évasion fiscale pour l’Etat, sans compter le blanchiment qui gangrène le secteur d’activité. Et c’est tout cela que nous voulons regarder à travers cet atelier que nous allons organiser et qui sera ouvert à tous les acteurs impliqués.

Sur les denrées alimentaires, pour 2016, y-a-il une liste de produits sur laquelle vous travaillez pour faire bénéficier aux populations d’une éventuelle baisse ?

Au niveau du comité de suivi, il y’avait une liste de 15 produits et services qui font l’objet d’un suivi. Une bonne partie de ces produits ont vu leurs prix baisser de façon assez substantielle. Des fois, une concurrence entre acteurs peut aussi engendrer une baisse de prix. Par exemple, pour le ciment, on n’a pas été obligé de fixer le prix pour avoir une baisse. Aujourd’hui, le prix du ciment a beaucoup baissé du fait d’une forte concurrence entre les acteurs. Le fer à béton aussi a beaucoup diminué du fait de la concurrence saine entre acteurs. C’est cela l’idéal. En tout cas, l’Etat aurait souhaité ne pas intervenir tout le temps dans le jeu du marché. Il doit avoir le rôle de surveillant. C’est d’ailleurs ce qui fait que tous les jours nous suivons la production locale, les cours mondiaux des denrées alimentaires pour l’essentiel sans oublier le comportement des acteurs. Aussi, chaque mois, une réunion se tient au ministère de l’Economie et des Finances pour faire des projections sur les mois à venir et des propositions à l’Etat. Nous continuons à suivre ces produits et services ciblés et à chaque fois qu’il sera possible de baisser encore le prix d’un produit ou d’un service, l’Etat ne manquera pas de le faire.

Les bouillons font débat. Le ministère du commerce a décidé de les règlementer. Comment cela se fera ?

Pour les bouillons, une question qui revient tout le temps, nous avions, en fait, demandé à l’Association sénégalaise de Normalisation d’élaborer une norme nationale qui prenne en compte les habitudes de consommation. Car jusqu’ici, nous nous basions sur la norme internationale du Codex. Ce travail là étant bouclé, les instructions que nous avons reçues du ministre du Commerce c’est de faire en sorte que cette norme soit transformée en règlement technique. La différence, c’est qu’une norme est d’application volontaire tandis qu’un règlement technique, est lui contraignant. Ce processus sera très vite enclenché et devra être mieux réorienté avec les résultats de l’étude d’évaluation du risque lié à la consommation de bouillon que le Comité national du Codex est en train de conduire.

Alors, qu’en est-il du contrôle des produits alimentaires que les sénégalais consomment au quotidien?

Le contrôle de produits alimentaires est un aspect très important. C’est pourquoi, nous nous efforçons à renforcer le contrôle des produits mis en vente ou destinés à l’export. C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’il faut placer l’accréditation de notre laboratoire à la norme 17025 que nous avons obtenue au terme d’un processus de plus de 10 années. L’accréditation consacre la reconnaissance de la compétence de notre laboratoire au niveau national et international qui doit permettre de mieux contrôler les produits que nous importons et ceux que nous exportons dans des marchés internationaux, du reste, très exigeants. Le laboratoire peut mieux aider à faire l’évaluation de la conformité requise pour certains produits et pour certains marchés. Toutefois, la perspective c’est d’aller vers une autonomisation du laboratoire après la loi de 2014 changeant le régime juridique du laboratoire qui devient un établissement public à caractère industriel et commercial. Nous avons déjà finalisé le projet de décret qui est dans le circuit de visa et pensons qu’en 2016 ce processus d’autonomisation sera entièrement bouclé.

La vente en ligne se développe de plus en plus au Sénégal. Que comptez-vous faire pour encadrer ce nouveau phénomène ?

En 2016, nous envisageons de réviser notre loi de base la loi n° 94-63 du 22 août 1994 sur les prix, la concurrence et les contentieux économique. Et la nouveauté que nous voulons apporter dans cette réforme, c’est entre autres, un meilleur encadrement des prix des denrées de premières nécessité avec plus de transparence dans les transactions commerciales, mais également une prise en charge de formes nouvelles de pratiques commerciales dont certaines, aujourd’hui, lèsent le consommateur et qui ne sont pas suffisamment pris en charge par la règlementation. Aujourd’hui, un vide juridique est constaté dans plein de segments, synonymes de laisser-aller. C’est le cas pour les ventes en ligne les ventes à domicile, le démarchage, les soldes, etc.

 L’Etat veut y mettre de l’ordre ?

Nous allons y mettre de l’ordre et encadrer davantage pour le bien du consommateur tout en sauvegardant les intérêts des opérateurs. L’Etat n’a pas vocation à créer des problèmes aux opérateurs, il a même l’obligation de créer des conditions de création de richesses. Mais faudrait-il aussi que les intérêts des consommateurs soient sauvegardés. Il y a donc un équilibre à trouver. Et c’est cela le rôle de l’Etat. Aujourd’hui, nous avons fini le projet de texte que nous avons déjà partagé avec une bonne partie des acteurs notamment les associations de consommateurs, une partie du secteur privé, nous comptons finaliser ce partage durant le premier trimestre 2016 et nous pensons qu’avant la fin de l’année nous puissions soumettre ce projet de loi portant réforme du cadre juridique des prix et des pratiques commerciales.

Comment se fait la promotion de notre production locale au ministère du Commerce ?

La promotion et la commercialisation de la production locale constituent une priorité pour le département du Commerce. C’est ainsi que pour le riz, nous avons contingenté, pour la première fois, les importations cette année qui sont dorénavant indexées sur les achats de riz local à travers un protocole signé avec les importateurs qui s’engagent à acheter toute la production locale. Mais à côté aussi, les importations de riz font l’objet de régulation pour qu’il n’y ait pas de suroffre qui puisse poser des problèmes à l’écoulement du riz local. C’est ce jeu d’équilibre que nous sommes en train de dérouler avec des résultats encourageants pour la production locale de riz. Toujours, sur la régulation, nous avons poursuivi le même schéma pour l’oignon qui a permis d’atteindre 7 à 8 mois de gel des importations. Cet engouement des producteurs a fait que cette année, la production a été tellement abondante au point que le marché local ne pouvait pas tout absorber. D’ailleurs, une mission de prospection a été conduite par le ministre du commerce en Côte d’ivoire afin de trouver des débouchés. Pour la pomme de terre, le dispositif de régulation a permis de faire des bonds significatifs en termes de production. De 5000 tonnes, il y a quelques années, nous sommes  pratiquement à 50 000 tonnes cette année. Et nous comptons aller vers 60 000 à 65 000 tonnes avec le gel qui démarre en février. C’est vous dire qu’aujourd’hui ce dispositif de régulation pour nos spéculations locales est en train de produire des résultats comme en atteste l’engouement vers la production locale. Auparavant, les gens étaient découragés parce qu’ils produisaient sans pouvoir l’écouler ou vendaient à de vils prix. Aujourd’hui, ils trouvent des débouchés et vendent à des prix assez rémunérateurs. Et c’est cela qui permet de réussir l’autosuffisance.

Que dites-vous donc aux consommateurs pour une meilleure appropriation de ce que nous produisons nous-mêmes ?

Parfois certains consommateurs se plaignent du coût d’un produit local alors qu’ils payaient le double pour ce même produit importé. Mais il faut relativiser, car seul un prix rémunérateur pour le producteur permet de maintenir, d’encourager et d’attirer l’investissement dans la production locale. C’est le même cas pour le sucre qui a fait l’objet de beaucoup de bruit cette année, surtout pendant l’ouverture des importations, mais cela ne doit pas noyer tous les efforts faits pour encourager la production locale. En 2015, la production locale a atteint 136 000 tonnes. C’est un record, bien que la Css vise l’autosuffisance à moyen terme. Et ce qui a permis, entre autres, à la CSS d’atteindre cela, c’est qu’on a créé les conditions d’un bon écoulement. A ce titre, le dispositif est à saluer même si la réflexion se poursuit sur les possibilités d’amélioration. Parce qu’aucun dispositif n’est parfait. L’autre mesure importante que nous avons prise en 2015, en application des instructions de monsieur le ministre du Commerce, c’est sur les alcools. L’Etat a décidé d’interdire tous les petits formats d’alcool de plus de 18° inférieurs à 50 cl qui étaient devenus accessibles et qui posaient de réels problèmes de sécurité à la tranche juvénile. De ce point de vue, nous avons travaillé dessus pour interdire aussi bien la fabrication, l’importation et la distribution de ces petits formats qui ont disparu du marché.
 



Jeudi 14 Janvier 2016 - 08:00





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