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Au village Mouite de Gandial : « Le jour où j’ai appris que Saliou Niang va être tué… »

En allant en Gambie pour faire fortune à l’âge de 16 ans, le jeune Saliou Niang ne savait pas qu’il allait y commettre l’irréparable en tuant un homme, pêcheur comme lui. Aujourd’hui, ce Sénégalais est condamné à mort. Pis, le président Yaya Jammeh a décidé de passer à la vitesse supérieure en demandant l’exécution 39 condamnés dont lui en fait partie. Comme les Sénégalais Tabara Samb et Djibril Bâ l’ont déjà été ce dimanche. Mais, Saliou est toujours en attente dans le couloir de la mort. Avant, le 16 septembre, date de son exécution prochaine, « la famille est en deuil avant l’heure».


Au village Mouite de Gandial : « Le jour où j’ai appris que Saliou Niang va être tué… »

Tristesse et désolation sont les choses les mieux partagées au village de Mouïté Gandiol à quelques kilomètres de la région de Saint-Louis. La maison des Niang de désemplit puis l’annonce d’un de ses membres qui doit être exécuté le 16 septembre prochain en Gambie suite à une décision du président Yaya Jammeh. Il s’agit de Saliou Niang condamné à mort pour meurtre depuis 2005. Assis sur des nattes des voisins sont venus témoigner leur solidarité à la famille pour le malheur qui risque de s’abattre sur elle. Lesquels en profitent pour formuler des prières afin que rien de mal n’arrive à «Sa », pour les intimes. La mère de Saliou Niang, Arame Diop âgée d’une soixantaine d’années fait des va-et vient incessants dans la vaste demeure. Elle marche les pieds nus sur le sable doux de la grande cour où sont installés ses visiteurs. Arame Diop ne sait même plus où se donner de la tête même si elle tente de le cacher. De temps en temps, elle sourit pour détendre l’atmosphère morose qui règne dans le domicile où tout le monde a les larmes aux yeux. Il suffit juste de lui faire parler pour qu’ils se mettent en sanglots. Deux membres de la famille de Saliou Niang s’occupent de la préparation du dîner sous des feux de bois. Têtes baissées, elles refusent de lever leurs regards tant elles ont les visages certainement dus aux pleurs.

Issu d’une famille de pêcheurs

La prochaine victime de Yaya Jammeh est issue d’une famille modeste où les hommes s’activent à la pêche. Et, c’est de cette activité qu’ils espèrent rehausser leur niveau de vie. Ainsi, Pape Niang, grand frère de Saliou Niang et qui se trouve en Gambie actuellement, a construit une partie de la maison famille grâce aux revenus de son métier. D’autres bâtiments sont en construction. Des travaux freinés par l’arrestation de «Sa» car les pêcheurs sont plus préoccupés à le faire sortir des geôles gambiennes que toute autre chose. Arame Diop, elle pleure au plus profond d’elle et a perdu le sommeil depuis l’annonce de la nouvelle.« J’ai eu très mal au cœur quand j’ai appris la décision. Je ne sentais plus mes pieds. Je croyais que le ciel allait me tomber sur la tête. Depuis lors, les gens vivent ici pour partager la douleur avec moi», renseigne la mère de Saliou Niang, emmitouflée dans un grand boubou bleu blanc, le foulard bien noué sur la tête. Durant les huit années que son fils est emprisonné à la citadelle du silence gambienne, elle est allée lui rendre visite à trois reprises. Et, maman courage n’est que ces occasions pour remonter le moral à son « Sa ».« Je lui dis toujours d’avoir foi en Dieu et de s’en remettre à lui. Gambie est un autre pays et je n’ai pas les moyens d’y aller à tout moment c’est pour son grand frère Pape Niang est là-bas pour le secours et être à sa disposition. Il s’occupe de tous ses besoins», fait savoir Arame Diop. Lorsque cette dernière a pris connaissance de la volonté du président Gambien de tuer des condamnés à mort dont faisaient partie 3 Sénégalais par voie de presse, elle a aussitôt su que son fils était du lot. « On a listé 17 prisonniers et Saliou est du groupe du fait qu’il est en détention. Pourtant, lorsqu’on l’arrêté je m’en remettais toujours à Dieu en gardant espoir qu’il allait être libéré un jour où l’autre. Où que Yaya Jammeh allait le gracier», croit-elle. Que nenni ! Le boucher de kanilai a la machette dans la main. «Avant-hier, j’ai entendu que 9 personnes dont deux Sénégalais ont été exécutés. Je me suis dit qu’il était mort. Par la suite, j’ai entendu les deux se nommaient respectivement Djibril Bâ et Tabara Samb et que Saliou Niang est un attente d’être exécuté». Toutefois, cette sexagénaire a repris ses esprits, avant-hier. «J’ai rendu grâce à Dieu quand j’ai écouté le discours du président Macky Sall à sa descente d’avion en provenance de l’Afrique Sud. Il m’a soulagé et je l’encourage dans sa mission. Je prie pour lui». Avant de continuer ; « C’est Dieu qui a décidé que la vie de Saliou Niang allait prendre cette tournure. C’est son destin de parce que depuis sa condamnation, personne n’a entendu la famille faire des sorties médiatiques. Donc, Je demande à Macky Sall de ramener mon fils au Sénégal. Un enfant est un bonheur. Ce n’est pas la volonté de Saliou Niang de mettre fin aux jours du défunt. Il n’a pas jamais agressé quelqu’un. C’est Dieu qui en a décidé ainsi. Ils se sont bagarrés et son protagoniste y a perdu la vie». Dans la foulée, Arame Diop présente ses condoléances à la famille de l’homme que son fils a tué. « Parce que lui aussi est le fils d’autrui. Je le considère comme mon propre enfant ». Ce non sans oublier d’avoir une pensée pieuse à Tabara Samb et Djibril Bâ tués dimanche dernier. « Je pris pour le repos leurs âmes. Ils étaient avec mon fils», chagrine-elle.

« Yalla Yana, Yaye Arame Gnanal »

Saliou est le cadet de sa famille. « J’ai perdu beaucoup d’enfants», laisse entendre Arame Diop. Tout petit « Sa » est envoyé à l’école coranique par son père Baye Moussa Niang. De là, il maitrisera le coran et les percepts de l’Islam.« Il a appris le livre saint, je n’ai pas voulu qu’il fasse l’école française». C’est à l’âge de 16 ans que Saliou Niang a décidé de prendre son destin en main. Prématurément. Il quitte le domicile familial et tente l’aventure. Quid à aller vers d’autres cieux pour exercer son métier de rêve qu’est la pêche. Un souhait qu’il a émis à ses parents. Il a voulu suivre les pas de ses frères en travaillant comme pêcheur. « Comme ses frères étaient déjà en Gambie, je lui ai conseillé d’y aller du fait qu’il serait plus en sécurité là-bas», regrette amèrement la mère. Cette dernière n’a pas tarit d’éloges à l’endroit de son fils qui se trouve actuellement au couloir de la mort. Saliou a passé une enfance normale au village de Mouïte Gandiol. « Il n’était pas turbulent et n’a jamais volé. Il ne se mêlait jamais des affaires qui ne le regardait pas, aucun voisin n’est venu se plaindre auprès de moi depuis qu’il est petit jusqu’à ce que le destin ne s’acharne sur lui depuis», se souvient Arame Diop, la voix en trémolos. En outre, elle révèle que les gardes pénitenciers de la prison de Maeltum sont gentils. A l’en croire son fils vit normalement son emprisonnement. Rien n’a changé en lui. « Il est resté le même et il me l’a assurait. Il n’a aucun problème dans la prison », a constaté la brave maman. Toutefois, rapporte la mère, Saliou lui demande toujours de formuler des prières pour lui. En retour, elle lui recommande toujours de respecter les 5 prières de la journée. Du coup, le condamné rassure qu’il faisait même plus que ca. Mieux, des co-détenus de « Sa » en liberté aujourd’hui, sont venus jusqu’au village MouÏte pour confirmer à la famille que leur fils ne méritait pas de séjour au ngouf tant il est un homme responsable et exemplaire. Il est en de bons termes avec tous les prisonniers ainsi que l’administration. «Lors de mes visites, je lui amène des mangues et de l’argent », je n’ai que cela pour la soutenir. « Jai le cœur meurtri quand je vais en Gambie et je suis en colère. Qu’on m’amène Saliou au Sénégal parce qu’il n’habite pas en Gambie. Je demande à Macky Sall de m’aider. Si Yaya Jammeh ne veut pas lui accorder pas la clémence», supplie la dame meurtrie. Arame Diop ignore les activités qu’il fait en prison. Mais, Mais lors de sa troisième visite, Saliou Niang il lui a offert un éventail qu’il a fabriqué de ses propres mains et sur lequel est inscrit : « Yalla Yana, Yaye Arame Gnanal (Ndlr : Dieu est grand, Yaye Arame continue de prier. Il prie pour moi aussi mais Il veut que je ne l’oublie pas dans mes prières». Ainsi, membres de la famille, amis et voisins font de même et égrène. Mieux, le peule sénégalais croise les doigts et implore Dieu pour que Saliou Niang ne soit pas le troisième Sénégalais exécuté en Gambie au pays de Yaya Jammeh.

AWA FAYE

Le Pays au Quotidien



Jeudi 30 Août 2012 - 13:15





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