
Depuis la publication du rapport de la Cour des comptes évoquant une prétendue surfacturation dans les contrats de fourniture de riz au gouvernement pendant la période de la Covid, il nous paraît essentiel de rappeler certains faits objectifs et contextuels, sans lesquels toute lecture des chiffres devient biaisée.
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1. Le prix de référence initial (2013)
En 2013, un arrêté gouvernemental fixait le prix de vente du riz à :
• 245 000 FCFA la tonne,
• auquel s’ajoutaient 5 000 FCFA de frais de manutention portuaire,
soit un total de 250 000 FCFA,
correspondant à 12 500 FCFA le sac ou 250 FCFA le kilo.
2. Une hausse minimale en sept ans, malgré un contexte mondial bouleversé
En 2020, soit sept ans plus tard, le riz a été vendu à 275 000 FCFA la tonne, soit :
• 13 750 FCFA le sac,
• 275 FCFA le kilo.
Pour mémoire, la manutention portuaire, entre-temps, était passée à 7 500 FCFA, absorbée sans répercussion directe sur le prix final.
Entre 2013 et 2020, le prix n’a donc évolué que de 25 FCFA le kilo, soit une variation de seulement 10 % sur sept années, et ce dans des conditions mondiales particulièrement hostiles :
• pandémie mondiale de Covid-19,
• fermeture des frontières et désorganisation des chaînes logistiques,
• hausse massive du coût du fret maritime,
• volatilité extrême des taux de change (euro/dollar),
• ralentissement global de la production et de l’exportation des pays fournisseurs.
3. Comparer 2013 à 2020 sans contexte : un contresens économique
Comparer un prix pratiqué en 2020 à celui de 2013 sans tenir compte de cette réalité économique et logistique revient à commettre une erreur d’analyse fondamentale.
Cela reviendrait à exiger d’un opérateur économique qu’il maintienne un tarif figé sur sept années, comme si :
• le cours du dollar n’avait aucune influence,
• le coût du transport maritime était constant,
• les marchés mondiaux n’étaient pas affectés par la pandémie.
Une telle position relève de l’irréalisme économique.
4. L’État lui-même a reconnu l’évolution naturelle des prix
• Pendant la crise Covid, l’État a lui-même fixé le prix à 300 000 FCFA la tonne, soit 15 000 FCFA le sac ou 300 FCFA le kilo.
• En juin 2024, un arrêté pris par le gouvernement en place a fixé un nouveau tarif de 375 000 FCFA la tonne, soit 18 000 FCFA le sac ou 375 FCFA le kilo.
Cela représente une hausse de 100 FCFA par kilo en seulement 4 ans (de 2020 à 2024),
alors que de 2013 à 2020 — sur sept ans, la hausse n’a été que de 25 FCFA par kilo.
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5. Le patriotisme économique des fournisseurs pendant la crise
En 2020, face aux pénuries et aux tensions logistiques, les consommateurs étaient prêts à payer jusqu’à 400 FCFA le kilo (soit 400 000 FCFA la tonne, 20 000 FCFA le sac).
Mais les fournisseurs ont volontairement renoncé à cette marge, pour des raisons à la fois patriotiques et humanitaires, malgré la menace explicite de réquisition de leurs stocks par l’État.
Ils ont consenti à vendre au prix du marché officiel, largement inférieur à la réalité économique du moment.
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6. Charges annexes supportées par les fournisseurs
Il est également essentiel de rappeler que sur les 275 000 FCFA facturés par tonne, les fournisseurs ont dû s’acquitter :
• des droits d’enregistrement des contrats (1 %) : 2 750 FCFA/tonne,
• de la redevance à l’ARMP (1 %) : 2 750 FCFA/tonne également.
Soit 5 500 FCFA de frais incompressibles, ramenant le prix net perçu par les opérateurs à 269 500 FCFA la tonne soit :
• 13475 FCFA le sac
• 269 FCFA le Kilo.
Interrogez n’importe quel Sénégalais sur le prix actuel d’un sac ou d’un kilo de riz en 2025 : vous constaterez aussitôt l’ampleur de l’évolution tarifaire et la réalité du marché.
Conclusion
Loin de toute surfacturation, les faits démontrent que les fournisseurs ont assumé une pression économique considérable, tout en contribuant à la stabilité sociale dans une période de chaos.
Aucun acteur économique — dans aucun secteur — ne pourrait maintenir un prix fixe pendant sept années, surtout dans un environnement dépendant de multiples variables exogènes.
Dès lors, toute tentative de démonstration de surfacturation sans considération du contexte macroéconomique, logistique, monétaire et sanitaire, relève d’une approche biaisée et totalement injuste.
Moustapha Abdou Cissé
Verbum Communication