Paris Match. Combien de temps vous a-t-il fallu pour écrire votre autobiographie ?
Corneille. Cinq ans, dont deux pour la seule partie sur le génocide. Plus j’approchais de ce passage, plus je ralentissais. D’un côté, j’avais un besoin impératif de me libérer ; de l’autre, il fallait que je me confronte à la réalité terrifiante de ce que j’avais vécu. Tout était enfermé à double tour dans ma tête et, dès qu’une porte s’ouvrait, j’en découvrais une autre. Je voulais retrouver les sensations, la douleur, et même avoir mal, pour être à la hauteur de ce qui s’était passé. Un jour, dans un resto, en attendant un copain qui tardait, j’ai commencé à écrire sur mon iPhone et les vannes se sont ouvertes. (Lire aussi : Corneille bientôt père pour la seconde fois)
Comment revit-on un souvenir comme celui-là ?
C’est très violent. Pour ne pas sombrer quand j’écrivais, je regardais Merik, mon fils, ma femme, Sofia, et tous les gens autour de moi… Les voir me raccrochait au présent. (...) (Lire aussi : Le jour où... - ..."Mon père m'a ouvert la voix" )
Le récit de votre exil est infernal. Comment le pire et le meilleur se côtoient-ils ?
L’humanité qui fuit la mort forme un magma où l’espoir est mince. On aurait toutes les raisons d’abandonner mais on partage le même sort, alors on s’accroche et on continue. Le long des routes, des femmes faisaient la cuisine qu’elles offraient à ceux qui en avaient besoin. La malaria me donnait une fièvre de cheval. Un jour, un jeune homme est venu me donner un morceau de tissu mouillé à mettre autour de mon cou.
Comment se remet-on de ce que vous a fait subir votre tante Jeanne ?
J’avais 6 ans et demi quand ma tante a abusé de moi, emportant mon innocence d’enfant avec elle. Cela a eu forcément des répercussions sur ma sexualité et mon rapport aux femmes. Jusqu’à ce que je rencontre mon épouse, Sofia, je n’avais pas mesuré l’étendue des dégâts du viol dont j’ai été la victime...