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Sexe et performances sportives

Début décembre, les joueurs du Spartak Moscou ont fait ceinture avant un match important pour la Ligue des Champions. Mauvaise idée.


Sexe et performances sportives

Début décembre, à la veille d’un match important pour la qualification en huitième de finale de Ligue des champions, la médecin du club russe du Spartak Moscou, Victoria Gameeva, a conseillé à ses joueurs d'éviter toutes relations sexuelles avant la rencontre contre Liverpool.

D’après elle, «le sexe stimule la capacité de travail uniquement chez les femmes. Dans les arts martiaux, ça arrive qu'une athlète féminine puisse se battre juste cinq ou dix minutes après avoir eu une relation sexuelle et que ses résultats soient meilleurs. Mais ça ne marche pas dans l'autre sens. Les hommes devraient éviter le sexe deux ou trois jours avant le match».

Résultat des rouges et blancs? Une pathétique défaite 7 buts à zéro contre les Reds de Liverpool. Vraiment efficace alors l’abstinence? Ce n’est pas la première fois que des coachs préconisent ce genre de comportement en compétition.

Lors de la Coupe du monde 2014, au Brésil, le sélectionneur de la Bosnie, Safet Susic, avait clairement dit les choses. «Il n'y aura pas de sexe. Ils peuvent trouver une autre solution, ils peuvent se masturber s'ils veulent. [...] Mais ce ne sont pas des vacances, nous sommes là pour jouer la Coupe du monde.» Ses joueurs terminèrent à la 3ème place de leur groupe, avec une seule victoire au compteur, contre l’Iran, et furent éliminés de la compétition.

Idem du côté des Russes, encore eux. Leur sélectionneur, l’Italien Fabio Capello, interdit aux femmes des joueurs de faire le déplacement au Brésil. Ils durent attendre 5 semaines avant de pouvoir redécouvrir les plaisirs de la chair. Ce qui n’empêcha pas l’équipe de terminer à la 3ème place de son groupe, synonyme d’élimination.

«Il n'y aura pas de sexe. Ils peuvent trouver une autre solution, ils peuvent se masturber s'ils veulent. [...] Mais ce ne sont pas des vacances, nous sommes là pour jouer la coupe du monde.» 

Safet Susic, sélectionneur de l'équipe de foot de Bosnie

Dans l’inconscient collectif, beaucoup considèrent que coucher avant un match, avant une rencontre, avant un événement, serait préjudiciable. Même plus de 24 heures avant! Le docteur Francis Collier a d’ailleurs souligné que «deux sportives de haut niveau sur trois jugent inopportun le rapport sexuel dans les heures qui précèdent l’événement sportif. C’est essentiellement le risque de perte d’énergie, physique et mentale, qui semble inhiber, effondrer leur libido» et les conduiraient à l’abstinence la plus totale.

La sociologue Mariann Vaczi, de l’Université du Nevada, a réalisé une enquête sur l’image et sur la conception des relations sexuelles chez les sportifs. Pour elle, «le monde du football perçoit généralement les femmes et les compagnes de joueurs comme de dangereuses déstabilisatrices responsables de la chute des performances». On reprocherait à cette pratique de provoquer une baisse de la testostérone et ainsi de grever les forces des athlètes.

La science s'en mêle

Or, jamais aucun scientifique n’a mis en évidence ce lien. Jamais une analyse rigoureuse n’a montré qu’une pratique sexuelle régulière provoquerait une fatigue physique. Au contraire, une étude réalisée aux États-Unis a prouvé un lien évident entre production de testostérone et stimuli sexuels: plus les hommes pensaient ou pratiquaient l’acte sexuel, plus le taux d’hormone augmentait rapidement.

Deux chercheurs canadiens, Samantha McGlove et Ian Shrier, ont souhaité vérifier si réellement le sexe avant la compétition provoquait une méforme physique voire une chute de compétitivité. Dans leur article «Does sex the night before competition decrease performance?», ils ont suivi une centaine de sportifs professionnels et amateurs, dans de nombreuses disciplines différentes, allant du tennis à la course à pied en passant par le football et le basket, pendant plusieurs années. Ils se sont surtout focalisés sur leur consommation de sexe avant, pendant et après un tournoi ou une compétition importante. Leur idée était d'étudier la corrélation entre performance sportive et relation sexuelle.

Résultat: faire l'amour avant n'altère en rien l'endurance et la force physique. En matière de consommation énergétique, cela représente entre 25 et 50 calories perdues, soit l'équivalent de deux étages montés à l'escalier, avec plus ou moins d'effort. «Pas les 250 calories par heure que la sagesse populaire veut croire.»

Avant eux, le physiologiste du sport, l’Américain Tommy Boone, avait montré qu’une pratique sexuelle n’avait aucun impact direct et réel sur la performance sportive. Il avait suivi une dizaine d’athlètes et noté leurs performances respectives avant et 12 heures après une relation sexuelle.

Conséquence, aucune différence significative n’était à signaler. Et il a obtenu les mêmes résultats avec des sportifs abstinents: «Une nuit de sexe avant la compétition n’a aucun effet sur la force ou l’endurance ni aucune autre capacité physique des athlètes.»

Ne surtout pas s'abstenir!

Donc finalement, sexe ou pas sexe, ça ne changerait rien. Vraiment? Et si cela pouvait être pire? Si l’abstinence était, au contraire, préjudiciable à la performance sportive? C’est en tout cas la théorie du médecin andrologue Emmanuele Jannini, de l’Université d’Aquila.

Il a étudié les sécrétions corporelles et les effets du sexe sur la réussite sportive et a constaté une bonification du corps humain après un «moment de plaisir charnel». Pire, «après trois mois sans sexe, ce qui n'est pas si rare pour certains athlètes, les hormones baissent considérablement à des niveaux proches des niveaux d'enfants. Pensez-vous que cela soit utile pour un sportif?»

L'activité sexuelle pourrait, au contraire, aider à lutter contre les douleurs musculaires ou d'autres blessures sportives. Tout cela serait relativement utile. «Je suggérerais un rapport sexuel complet et satisfaisant la veille d’un match», conclut Jannini.

Dans leur livre Sciences Sociales Football Club, les économistes Bastien Drut et Richard Duhautois admettent qu’il faudrait dorénavant considérer que le sexe participe directement et positivement à l’amélioration des performances. Ils introduisent «la théorie du U inversé», théorie en psychologie du sport qui illustrerait un niveau optimal de vigilance/anxiété avant une compétition. «Être trop anxieux ou pas suffisamment alerte peut déboucher sur de mauvaises performances. Pour les joueurs trop anxieux et agités la nuit précédant un match important, avoir des relations sexuelles pourrait constituer une distraction relaxante.»

Drut et Duhautois citent le cas de Louis van Gaal, l’ancien sélectionneur des Pays-Bas, lors de la Coupe du monde 2014. «[Il] avait autorisé les femmes et les compagnes des joueurs hollandais à venir leur rendre visite à leur hôtel la veille des matchs et notamment la veille du carton 5-1 face à l’Espagne. Il avait expliqué que cela mettait les joueurs dans de meilleures dispositions d’un point de vue psychologique.»

Alors messieurs dames, n’ayez pas peur. Le sexe dans le sport, ce n’est pas un tabou. Amusez-vous et faites-vous plaisir!



Mercredi 29 Août 2018 - 06:32





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