Violences en milieu scolaire : Lettre ouverte au Président de la République


Monsieur  le Président de la république Monsieur Macky Sall 
Je m'appelle Maimouna Cissoko, je suis professeur de lettre, je mène  des recherches sur l'inclusion du genre dans les politiques publiques au Sénégal, Présidente de l'association nationale des femmes enseignantes pour l'équité et l'égalité du genre du Sénégal (RFEEEG /Sénégal), association de protection et promotion des femmes et des filles. Je me bats depuis de nombreuses années contre les violences faites aux filles en milieu scolaire, pour la protection et l'accompagnement des victimes, pour l'orientation des filles vers les filières scientifiques et techniques, pour la formation et la promotion des femmes enseignantes. 
J'ai été de nombreuses fois intervenue dans le cadre des plans de  mobilisation et de lutte contre le viol, de la prise en charge des victimes et de leur suivi jusqu'à la réussite y compris la promotion de l'éducation des filles. 
Son excellence, sachant que c'est sous votre magistère que la lutte contre les violences basés sur le genre est devenue une réalité, sachant que vous avez institué des cellules genre dans les ministère et secrétariats généraux ,visant à  développer une culture de droit des femmes dans l'administration et réduire les inégalités et bien d'autres avancées, j’ai l'espoir que vous prendrez en considération l'urgence de la prise  en charge par  vous-même  ces questions de  discriminations et de  violences subies par les femmes et les filles ,lutte pour laquelle j'ai initié le RFEEEG. L'exposition précoce à la violence a été́ reconnue par la communauté́ scientifique internationale et l’Organisation Mondiale de la Santé comme un problème majeur de santé publique, étant la principale cause de mortalité́ précoce et de morbidité́ à l’âge  adulte. Elle est également reconnue comme une usine à fabriquer des inégalités, de la précarité́, des handicaps et de nouvelles violences. C’est pour les filles le premier facteur de risque de subir des violences conjugales  et sexuelles à l’âge adulte. 
La violence s’exerce avant tout sur les personnes en situation d’inégalités et de discriminations (enfants, femmes, personnes handicapées, et elle les aggrave. Elle est un facteur majeur d’injustice sociale. 
Le cerveau des enfants est très vulnérable aux violences et au stress extrême. Destructrices et traumatisantes, les violences ont de très lourdes répercussions sur la vie, le développement, le comportement, la scolarité́ et la santé des enfants, entrainant des atteintes physiques, psy-neurologiques, endocriniennes et immunitaires, avec pour conséquence une perte considérable de leurs capacités à se développer et à se réaliser comme ils auraient souhaité́ le faire. Ces conséquences ont un impact qui se prolonge tout au long de leur vie. 
Dans le monde, un enfant sur quatre a subi des violences physiques, une fille sur cinq et un garçon sur treize des violences sexuelles, un enfant sur trois des violences psychologiques (Enquête Hillis citée par l’OMS 2016). 
Au Sénégal, nous n’avons pas  de chiffres et pas encore d’enquête sur les victimes. Cependant, à partir  d’enquêtes faites auprès de nos points focaux des établissements (des enseignantes, membres du RFEEEG), le phénomène persiste et prend de l’ampleur. 
Or, la très grande majorité́ des filles victimes de violences ne sont pas protégés, ni reconnus. Elles  n’ont que rarement accès à la justice. Leurs traumatismes psychiques ne sont presque jamais pris en charge, les professionnels de la santé ne sont que trop rarement formés à cette problématique. 
Pour ces enfants, cette absence de protection et de prise en charge spécialisées est une lourde perte de chance en termes de santé et d’intégration sociale tout au long de leur vie. Elle entraine de très importantes souffrances ; elle restreint gravement leur liberté́ et leurs possibilités de construire leurs projets de vie. 
Cette perte de chance est d’autant plus scandaleuse que la surveillance par les enseignantes, mères et la prise en charge  sont efficaces et libérateurs, elles permettent d’éviter la répétition des violences et la plupart des conséquences  à long terme. 
Avoir subi des violences dans l’enfance  est la principale cause de décès précoce à l’âge adulte.
C’est également le principal risque, tout au long de sa vie : 
- de faire des tentatives de suicides, 
- d’être alcoolique, toxicomane, tabagique, d’être obese, 
- d’avoir des comportements à risque, 
- de faire des dépressions, 
 - de se retrouver en situation de précarité́, et de marginalisation, 
- et de subir de nouvelles violences ou d’en commettre. 
Ces risques sont gradués en fonction de la gravité des violences et de leur nombre. 
Ces effets destructeurs des violences ne sont pas une fatalité́, protéger et soigner ces filles et ces femmes victimes leur permet de recouvrer une bonne santé et une égalité́ de chance. 
Protéger et soigner les enfants victimes de violences c’est lutter contre toutes les formes de violences, de délinquances (violences conjugales, violences sexuel- les, violences au travail, terrorisme, etc.), et contre les inégalités et les injustices sociales. 
Le  plan d’action national pour l’éradication des violences 2017-2022  est un premier pas, mais il nécessite d’être encore bien plus ambitieux et soutenu par une volonté́ politique forte et par l’octroi d’un budget à la hauteur de la gravité et l’urgence de l’enjeu. 
Je vous remercie beaucoup de l’attention que vous voudrez bien porter à cette lettre, et j’espère que vous serez sensible à ces arguments, je suis à votre disposition pour vous donner toutes les informations complémentaires que vous souhaiterez. 
Je vous prie de bien vouloir agréer mon cher leader, Monsieur le Président de la République l’expression de mon profond respect et de ma très haute considération. 
Maimouna Cissoko, Professeur de lettre, Militante du genre 
Militante engagée dans la politique à vos côtés depuis 2010 
Présidente du RFEEEG/Sénégal 
cissokomaimouna83@yahoo.com 
774715103 

Bamba Toure

Lundi 20 Mai 2019 08:47

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