Tunisie : le Premier ministre a remis sa démission

Les conditions sont réunies pour un départ d'Ali Larayedh, à qui devrait succéder l'actuel ministre de l'Industrie Mehdi Jomâa.


Le Premier ministre tunisien, Ali Larayedh, a annoncé avoir remis jeudi sa démission, conformément à un accord pour résoudre une longue crise politique, et alors que le pays est une nouvelle fois déstabilisé par des conflits sociaux, émaillés de heurts. "Comme je m'y étais engagé il y a un moment (...), je viens de présenter la démission du gouvernement", a dit Ali Larayedh lors d'une conférence de presse. "Le président m'a chargé de poursuivre la supervision des affaires du pays jusqu'à la formation du nouveau gouvernement."

Parité homme-femme

La Constituante ayant formé mercredi une instance électorale et, la Constitution étant en cours d'adoption, les conditions fixées dans un accord cosigné par l'essentiel de la classe politique étaient réunies pour sa démission, avait relevé plus tôt M. Larayedh. Selon ce compromis, le ministre sortant de l'Industrie, Mehdi Jomaâ, sera appelé à former un cabinet d'indépendants devant conduire la Tunisie jusqu'à des législatives et une présidentielle en 2014.

Une fois officiellement désigné, M. Jomaâ aura quinze jours pour constituer son équipe, puis devra obtenir la confiance de l'Assemblée pour devenir le cinquième chef de gouvernement depuis la révolution de janvier 2011. Cela entérinera aussi le départ volontaire du pouvoir du parti islamiste Ennahda qui avait remporté l'élection de l'Assemblée nationale constituante en octobre 2011, premier scrutin libre de l'histoire de la Tunisie. Des négociations chaotiques ont conduit à cette issue, après de nombreux reports, pour résoudre la profonde crise politique déclenchée en juillet 2013 par l'assassinat de l'opposant Mohamed Brahmi.

La Constituante a par ailleurs poursuivi jeudi l'examen article par article du projet de Constitution, approuvant à une courte majorité un amendement introduisant le concept de parité homme-femme dans un amendement au projet de Constitution, texte exceptionnel dans le monde arabe qui doit être approuvé au cours d'un second vote dans la soirée. La Constituante avait déjà inclus un article d'ordre général reconnaissant que "tous les citoyens et les citoyennes ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination aucune". La Tunisie, sans consacrer l'égalité des sexes, est depuis 1956 le pays arabe accordant le plus de droits aux femmes. L'homme reste cependant privilégié, notamment concernant l'héritage.

Taxes suspendues face aux heurts

La classe politique s'est engagée à adopter la future loi fondamentale avant le 14 janvier, 3e anniversaire de la révolution de 2011. En une semaine, un tiers des articles environ ont été passés en revue. L'Assemblée doit cependant adopter à la majorité des deux tiers le texte entier de la Constitution, faute de quoi un référendum devra être organisé. La Constituante devait achever sa mission en un an, mais le processus a été ralenti par un climat politique délétère, l'essor de groupes djihadistes armés et des conflits sociaux.

Cette journée mouvementée sur le plan politique intervient aussi dans un contexte social tendu, des violences ayant éclaté ces derniers jours dans plusieurs villes du pays après l'annonce de nouveaux impôts. Des affrontements violents ont opposé jeudi après-midi plusieurs centaines de manifestants et forces de sécurité dans une cité populaire de Kasserine (centre-ouest). Des heurts sporadiques avaient encore lieu en soirée, selon un journaliste de l'AFP. Une source policière a fait état de huit blessés parmi les policiers. Les violences des derniers jours sont concentrées dans l'intérieur déshérité du pays, berceau de la révolution qui avait été nourrie par la pauvreté et les disparités de développement. Plusieurs bâtiments publics, notamment des commissariats, ont été incendiés.

Dans son dernier discours avant sa démission, M. Larayedh avait voulu désamorcer ces tensions en annonçant la suspension d'une série de nouvelles taxes sur les transports. "Pour ne pas donner de chance au terrorisme et aux groupes criminels (...) nous avons décidé de suspendre la mise en oeuvre des taxes concernant les transports privés, de marchandises, de personnes et pour l'agriculture", a-t-il dit. L'économie, minée par les conflits politiques, sociaux et l'essor d'une mouvance djihadiste armée, reste anémique. Le taux de croissance, inférieur à 3 % en 2013, est largement insuffisant pour endiguer le chômage qui atteint notamment plus de 30 % des jeunes diplômés.

AFP

Vendredi 10 Janvier 2014 09:49

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