Quand Mouhamadou Mbodji du Forum civil reproche aux Sénégalais d’avoir trop critiqué Lamine Diack


Le Sénégal est décidément un pays de paradoxe : Mouhamadou Mbodji aurait, d’après un organe de presse, comparé les critiques contre Diack et ses complices à de l’acharnement. Dans son entendement, les Sénégalais devraient faire preuve de complaisance envers M. Diack parce que tout bonnement il est sénégalais ! 

Confucius a dit « l’homme de bien est impartial et vise à l’universel ; l’homme de peu, ignorant l’universel, s’enferme dans le sectaire…» : voilà qui devrait inspirer un défenseur des droits de l’Homme. L’histoire et l’expérience ont montré qu’on ne peut pas défendre un régime et les droits de l’Homme en même temps, à moins de faire dans la combine et la mystification. 

M. Mbodji trouve excessives les complaintes des Sénégalais à l’endroit de Lamine Diack qui, même s’il est présumé innocent, a avoué avoir financé l’opposition (de l’époque des « Assises » et de 2012) par l’argent de la corruption des Russes ! M. Diack est certes grand, mais il reste insignifiant devant l’honneur du Sénégal et l’esprit d’une démocratie souveraine. 

M. Mbodji se donne la liberté de critiquer les Sénégalais (à la limite il considère leur réaction comme une injustice à l’endroit de M. Diack), mais il ne peut pas concevoir leur droit d’exiger de M. Diack et de ses complices la lumière sur ce crime. Si les Français et les Suisses font preuve de chauvinisme pour tirer d’affaire leurs compatriotes c’est leur problème (et un défenseur des droits de l’Homme devrait le dénoncer au lieu de le donner en exemple). Mais ce que M. Mbodji ne sait pas est que nous aussi nous avons le droit de faire preuve de fair-play et de loyauté envers l’humanité qui avait fait confiance à l’un des nôtres. La meilleure façon de montrer à nos semblables d’ailleurs que nous sommes dignes de leur confiance, c’est justement de faire preuve d’esprit universel et non de chauvinisme dans cette affaire. 

M. Mbodji nous conseille en filigrane d’adopter la posture des Français et des Suisses vis-à-vis de leurs compatriotes respectifs Platini et Blater, au lieu de nous encourager à persévérer dans la voie de la transparence et de la justice ! L’esprit de la justice transcende les frontières et les races, l’esprit du sport est d’abolir toute forme de posture clandestine. Si ce que Lamine Diack a avoué est vrai, il a porté un grand tort à toute la communauté des citoyens de l’univers. Et ce serait indigne de notre part de chercher à couvrir son crime par une prétendue solidarité nationaliste. 

M. Mbodji prétend s’ériger en bouclier contre la corruption et la mal gouvernance, mais lorsqu’une personnalité de son goût est concernée, on doit traiter le cas avec délicatesse. N’est-ce pas le même M. Mbodji qui théorisait le concept de magnanimité envers le chef de l’État à propos de l’enrichissement illicite (la traque des biens mal acquis devrait donc l’épargner en amont comme en aval) s’il réussissait à taquer les autres ? 

M. Mbodji demande à Oumar Sarr de présenter des excuses publiques au chef de l’État : pourquoi n’avait-il pas fait preuve de la même posture républicaine lorsque l’opposant Macky Sall avait accusé le régime d’alors d’avoir recruté des mercenaires pour intimider des opposants ? 

Nous pensons qu’au lieu de chercher à laver à grande eau des personnes impliquées dans cette nébuleuse, M. Mbodji devrait s’employer à laver l’honneur de la société civile. La république et la démocratie sont au-dessus des contingences amicales et parentales : défendre Lamine Diack contre un prétendu acharnement des Sénégalais nous semble honnêtement relever d’une stratégie de déplacement astucieux du problème. On ne peut pas, la nuit, être un serviteur d’amitiés occultes et,0 le jour, s’ériger en prêtre illuminé de la vertu. 

Alassane K. KITANE, professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès 


Vendredi 1 Janvier 2016 06:15

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