Peut-on parler d'une réelle démocratie au Sénégal?


Au sens stricto sensu on entend par « demos » le peuple et par « kratos » le pouvoir. Ainsi la démocratie reste le fait pertinent que le pouvoir appartient au peuple ou s’exerce par le Peuple lui-même. Parallèlement, Le Sénégal reste un Etat dont l’évolution du cadre institutionnel depuis l’indépendance est assez pertinente. Quel pouvoir alors pour quel peuple ? Pourrait-on parler d’une réelle démocratie au Sénégal ?
Il faut reconnaitre que la démocratie assure par le jeu des institutions une approbation étendue obtenue en faveur d’une décision publique. Rousseau disait que la volonté générale veut le bien, ... mais elle ne le voit pas toujours. L’on pourrait donc démentir facilement qu’une assemblée d’individus puisse être plus éclairée que le meilleur de l’un d’entre eux et qu’une décision prise à la majorité reste plus conforme dans la seule mesure où elle a recueilli un plus large consensus. L’histoire des démocraties dévoile nos emportements, nos failles, nos variétés de préjugés. Il faut en déduire que jusque là aucune société démocratique ne l’a suffisamment été pour tendre à l’universel au point d’être capable de faire la promotion de l’idée la plus élevée que nous avons de l’humain. Nous sommes passés de l’esclavage, de la colonisation, du pillage de nos ressources naturelles, de l’apartheid. Il y’a un égarement doté d’aucune raison dans les prises de décisions collectives sinon plus. Il serait excessif de parler d’une tyrannie de la majorité mais il est incontestable qu’il y’a un poids, une lourdeur de la majorité. Cela relève surtout d’une ignorance. Le fonctionnement démocratique peut s’annoncer difficile dans la mesure où il peut conduire à un retard dans les décisions d’autant plus lorsque ces dernières doivent être prises rapidement et efficacement. Dans le contexte actuel avec l’individualisme du consommateur qui prévaut dans nos sociétés la totalité des intérêts particuliers n’est pas forcément l’intérêt général. Ce dernier n’est pas nécessairement le bien de tous.
La démocratie constitue un idéal. En fait On a tendance à la confondre avec le terme République. Le terme de république veut dire « res » la chose, « publica », publique donc la Chose Publique. Autrement dit, l’intention d’organiser un bien commun. Une République se doit par essence d’être bien organisée, au sens où elle est une société d’hommes libres rassemblée afin de bien vivre. La Souveraineté du peuple n’est pas manifestée, le souci du bien commun n’est pas porté. Quand on lit Kant et Rousseau, on voit qu’ils donnent leur adhésion sans réserve à l’idée de République. Pour Kant, l’essentiel dans une République, c’est qu’y règne un état de droit, qu’il y ait un système représentatif permettant de voter des lois. La République idéale accompli le règne des fins de la raison. La démocratie en tant que régime est nécessairement républicaine, mais une République n’est pas forcément démocratique. Machiavel lui-même est attaché à la République, parce qu’il a fort bien compris le principe de la raison d’État. Il n’est pas pour autant un démocrate parce qu’il refuse un principe auquel tout démocrate est attaché, celui de la Transparence. On ne peut pas parler de Démocratie sans parler d’institutions, de lois ou même encore de la sacralisation de certains droits appartenant au Peuple. C’est le Peuple qui est souverain mais c’est le Droit qui lui donne cette souveraineté. La démocratie n’est pas la loi de la majorité. Elle est surtout un idéal que chaque Peuple tend à atteindre par le jeu de règles juridiques qui restent assez équitables et respectueuses des droits de ce magnifique sujet, L’homme.
Par ailleurs en matière de mises en place de nouvelles institutions, de passation de régimes au pouvoir ou même encore d’adaptabilité des règles de lois ainsi que de leur respect, le Sénégal damne le pion à beaucoup d’autres Etats africains. Cependant dans le fond comme tout Etat moderne et sur le principe et la réalité qu’il n’est de pouvoir que celui exercé par le peuple beaucoup d’interrogations peuvent être posées.
Depuis fort longtemps les peuples se sont attachés au respect des règles, des lois pour une meilleure organisation juridique et sociale. Ces règles étaient basées sur un consensus populaire où chaque citoyen pourrait se reconnaitre libre. Mais alors rien ne prouve que la majorité ait nécessairement raison. Une décision démocratique n'est pas forcément une décision valide quant au choix d'une société en direction de son futur. Il y’a donc une grande part pour les minorités.
Au Sénégal, Il devient alors opportun de s’interroger sur le rôle des Institutions face aux innombrables défis économiques et sociaux qui attendent toujours d’être relevés, face à l’action gouvernementale très souvent contestable. Une situation socio-économique sénégalaise marquée par des aspirations purement politiques, dominée par des acteurs politiques. Cela au détriment des élites, des universitaires, des ménages, bref de ces différentes couches sociales qui au quotidien sont confrontés aux réalités sociales économiques, dans l’attente de solutions pratiques.
La société est considérée comme étant le réceptacle et le champ d'application de toutes les implications qui peuvent découler des décisions des Etats. Il est vrai que le dialogue sur des problèmes épineux et les enjeux y liés requiert le temps nécessaire. La place de l'oralité est indispensable pour que les idées mûrissent, que l'intérêt général puisse prédominer et que des positions communes se dégagent. La coalition est incontournable, nous sommes dans l’ère des unions.
L'initiative des différentes coalitions et associations est louable même si les résultats semblent mitigés. Elle est d'autant plus méritoire qu’il est urgent d'apporter des réponses tranquillisantes à une population désemparée qui n'hésite plus à descendre dans la rue même en ordre dispersé pour crier son mécontentement.
Il faut le dire, c'est un grand pas en avant dans l'institutionnalisation. Il fallait commencer et ce qui a été fait. La pratique ne pourra qu'enrichir toute amélioration future. Pour autant il ne serait pas commode de revendiquer une démocratie Sénégalaise comme si nous en sommes les principaux initiateurs ou disposons de son entière propriété. Comme si nous l’avions enfantée, nourrit et voir grandir à l’exemple d’une mère et de son bébé. Alors qu’en réalité nous en sommes que des acteurs secondaires qui cherchent à décrocher le rôle principal à ces Etats qui ont vu naitre la Démocratie, la pratique, la renchérit et s’attache à moderniser, simplifier, faciliter son processus qui s’avère souvent difficile. Toutefois même au sein de ces Etats la Démocratie réelle reste un perpétuel défit. En effet à l’heure où la bonne gouvernance reste, un idéal pour les pays en voie de développement, où les républiques aspirent aux principes démocratiques mais ne les ont toujours pas complètement atteintes la démocratie au Sénégal est dans la phase de construction.
Il faut reconnaitre enfin que l’expression de la majorité se doit d’être claire et positive et il faudra désormais que les conditions sont remplies pour qu’elle le soit. Aujourd’hui nous sommes à l’heure des actions. Que les beaux idéaux s’incarnent et que l’esprit devienne matière.
Enfin, dans tous les cas le Sénégal a besoin d’un nouveau souffle qui sera bon et utile à la fois pour cette tranche de la société qui décide et avise et pour cet autre qui exécute et subit.

Paty

Lundi 1 Avril 2013 16:27

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