Karim Wade et Bibo Bourgi dans la forêt de Bandia


Le journal Le Quotidien avait essuyé les foudres en évoquant le déclassement de plusieurs centaines d’hectares de terres de la forêt classée de Bandia. A la faveur de l’enquête sur les biens mal acquis par Karim Wade et ses amis, ouverte par la gendarmerie sur instructions du Procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite, on apprend que Ibrahima Khalil dit Bibo Bourgi, par le biais d’une société dénommée la Sénégalaise des industries (Sdi) dont le siège social se trouve au 45, Rue Raffenel à Dakar, avait monté un projet de création d’une cimenterie sur les mêmes terres. Le projet a été agréé par l’Apix et un arrêté du ministre de l’Environnement et de la protection de la Nature portant le numéro 6102 en date du 25 mai 2009, autorisait la société de Bibo Bourgi à occuper un périmètre de 328 ha dans la forêt classée de Bandia (Région de Thiès). La décision administrative précisait notamment que la société Sénégalaise des industries «est autorisée à occuper une partie de la forêt classée de Bandia, d’une superficie de 328 ha aux fins d’exploiter une concession minière dans le cadre d’un projet de cimenterie, auprès de l’administration en charge des Mines».
Théoriquement, cette cimenterie devrait être la quatrième au Sénégal. Rares sont les pays au monde où on dénombrerait autant de cimenteries. Après la Sococim, les Ciments du Sahel et la cimenterie de Dangote, toutes situées dans un rayon de 70 kilomètres, on se demande ce qui peut bien faire courir ce beau monde vers l’industrie du ciment. Est-ce que le projet de Bibo Bourgi qui jusqu’à présent n’a connu aucun début de mise en œuvre ne serait pas une opération pour acquérir de vastes terres en vue d’une spéculation foncière ? Cette zone est en devenir économique avec l’installation de l’aéroport de Diass. Quelle attitude l’Etat du Sénégal va-t-il adopter face à ces centaines d’hectares de terres laissées en friche en attendant des jours plus favorables pour les transactions foncières ? La société de Bibo Bourgi, une fois la concession en poche, a cherché à revendre les terres qui se révèlent être une grosse réserve en calcaire. Les Ciments du Sahel, qui est la cimenterie dont le site est le plus proche, et qui fait face à un gros problème de réserves minières a été approchée pour se voir proposer la vente de la concession. M. Layouss n’a pas accepté le prix de 8 milliards de francs Cfa demandé par Bibo Bourgi. La Sococim et Dangote ne seraient pas non plus dans de bonnes dispositions pour acheter à ce prix des terres gracieusement données à Bibo Bourgi. A-t-on le droit de laisser faire une telle opération, qui permettrait à Bibo Bourgi et ses partenaires en affaires de se remplir les poches en un tour de main ? On attend aussi une réponse face à la grande équation de la bataille féroce autour des terres qui constituent l’emprise de la cimenterie de Dangote dans la zone de Pout. Les populations affirment préférer l’installation de la cimenterie, un projet porteur d’emplois et de croissance économique pour la zone et pour l’Etat du Sénégal, plutôt que les champs de chefs religieux. Dans un reportage réalisé par le journal Le Quotidien, un représentant des populations lançait le cri du cœur indiquant «qu’un champ de marabout ne crée pas des emplois». C’était devant le péril d’une situation mettant face à face des disciples de Serigne Mansour Sy, khalife général des Tidianes, et les populations autochtones. Les deux camps étaient sur le point d’en découdre avec violence car, les disciples voulaient défricher les terres pour les besoins de l’exploitation agricole du marabout, alors que les populations veulent qu’en lieu et place s’installe la cimenterie. Dans ce bras de fer, l’Etat du Sénégal a adopté coupable, un profil bas. En effet, l’autorité de l’Etat était absente dans ce conflit gros de risques pour la paix civile. Pourtant, la cimenterie Dangote a été autorisée à installer ses usines dans la zone qui était promise à Serigne Mansour Sy par le président Abdoulaye Wade, qui n’aura jamais pu matérialiser sa promesse par un décret d’affectation en bonne et due forme. Seul Serigne Saliou Mbacké, le défunt Khalife des Mourides avait bénéficié de diligence pour voir son décret d’affectation signé. C’est grâce aux effets de ce décret d’affectation que les héritiers de Serigne Saliou Mbacké ont réussi à faire condamner par la justice la société Dangote, dont les installations ont empiété sur leurs terres. Par contre, Serigne Mansour Sy n’a aucun droit ou titre sur les terres, sinon une promesse du président Wade. Ne faudrait-il pas mettre de l’ordre dans tout cela, surtout qu’aucun projet de mise en valorisation des terres dont le potentiel est immense, n’a été présenté par les familles de ces chefs religieux sinon que de confiner des personnes à une forme de servage.

Il faut dire que le bras de fer entre Serigne Mansour et les populations de la zone de la cimenterie cache aussi une sourde guerre entre cimenteries. C’est un combat feutré entre Dangote et la Sococim. En effet, les intérêts de la famille de Serigne Mansour auprès de la Sococim sont un secret de polichinelle. L’un des fils de Serigne Mansour Sy, Djamil pour ne pas le nommer, n’est-il pas le président de la Sodevit, une filiale de la Sococim en charge de l’exploitation des carrières ?

Madiambal Diagne

Source: Le Quotidien

Ibou Toure

Lundi 3 Décembre 2012 17:31

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