Des taudis aux Dahras modernes

Ces derniers temps, l’espace social sénégalais a connu des remous résultant de la décision de l’Etat d’interdire la mendicité des enfants. L’incendie de l’habitat des « talibés », qui a provoqué la mort atroce de sept gamins, a été le détonateur qui donna naissance à cette décision.


Il est vrai que certaines personnes peuvent désapprouver cette décision, mais il n’en demeure pas moins qu’elle reste non seulement légitime et responsable mais aussi et surtout salutaire pour tous ces enfants « talibés » qui pourraient un jour subir le même sort que ces sept enfants calcinés. D’où l’importance et l’imminence pour l’Etat de réagir pour endiguer la mendicité des enfants et tous les maux qui vont avec. Ce qu’il a d’ailleurs fait pour le bien des enfants « talibés » et de leurs parents.

Il va sans dire que l’école coranique a un objectif différent celle française. Ainsi, si l’école française instruit, celle coranique éduque. Elle est censée apprendre aux enfants à pratiquer quotidiennement les préceptes et recommandations de l’Islam, aussi bien dans leurs actes que dans leur comportement. C’était la raison pour laquelle, il y a de cela quelques années les pionniers et précurseurs de cette éducation coranique poussaient les « talibés » (en arabe talibé signifie celui qui cherche le savoir) à mendier leur nourriture quotidienne pour leur permettre de connaître la faim, la soif et la privation. Ils les corrigeaient pour leur inculquer l’humilité, mais ne les battait pas, comme cela se passe souvent de nos jours.

Toutefois, au fil des années, les raisons de l’implantation des Dahras (écoles coraniques) ont changé, mais cela ne veut pas dire qu’elles ont changé pour tout le monde car il y a toujours des écoles coraniques qui ne se soucient que de l’instruction et de l’éducation des enfants. Cependant, force est de constater que le concept de Dahra est de plus en plus galvaudé par bon nombre de faux serignes dahras (marabouts) animés par un esprit mercantile et qui font des « talibés » un fonds de commerce, bien qu’encore une fois, il existe de vrais et authentiques serignes qui éduquent les « talibés » selon les recommandations du Coran, et qui le font pour l’amour de Dieu et du Saint Coran.

A ce propos, il existe de faux marabouts qui jettent l’opprobre sur les vrais marabouts et détruisent leur réputation et leur honorabilité, en faisant mendier leurs « talibés » à longueur de journée, sans leur laisser le moindre temps pour l’étude du Coran. Et malgré les grosses sommes d’argent que leur versent quotidiennement ces derniers, ne les mettent pas dans de bonnes conditions d’étude, d’habitation et d’une manière générale d’existence. Aujourd’hui certaines études parlent de 13 milliards de francs CFA que les « talibés » versent à leurs marabouts par an, d’autres de 2 milliards de francs CFA par mois. Allez savoir où va tout cet argent dont ne serait-ce que le quart pourrait garantir de bonnes conditions d’étude et d’existence à ces « talibés ».

Certains pauvres « talibés » ont un montant fixé qu’ils doivent quotidiennement remettre à leur serigne, faute de quoi ils risquent de se faire battre violemment. Cela peut pousser d’aucuns parmi eux à s’adonner au vol, d’être à la merci des pédophiles moyennant une rétribution, ou encore de s’adonner à la délinquance, au trafic de drogue, etc.

En outre, avec tous les sévices qu’ils subissent et tout le temps que certains « talibés » passent à mendier, il est vrai que leur esprit serait plus enclin à se reposer qu’à étudier jusqu’à pouvoir retenir quoi que ce soit. Le nombre de « talibés » croît à une vitesse vertigineuse et beaucoup d’entre eux ne savent même plus réciter correctement un verset du Coran. L’UNICEF parle de 7 000 (sept mille) talibés dans la région de Dakar et de 50 000 (cinquante mille) dans tout le Sénégal. Des chiffres alarmants à proprement parler.

Dans cette optique, la difficulté pour l’Etat et pour tous les Sénégalais réside dans le fait de reconnaître les vrais « serignes dahras » des faux, de faire le distinguo entre les authentiques et les usurpateurs. A n’en point douter, certains soi-disant « serignes dahras » sont plus des exploitants qu’autre chose et font travailler, dans leur propre intérêt, des enfants qui normalement devraient être à l’école française ou coranique, ou encore dans le cadre familial. Il faudrait aussi que les parents qui confient leurs enfants à des Dahras soient plus incrédules et vigilants et qu’ils s’enquièrent de temps à autre de la situation de ces derniers en se déplaçant pour vérifier de visu s’ils sont ne serait-ce que dans des conditions d’existence acceptables, à défaut d’être dans de bonnes conditions.

Le problème est plutôt insidieux du fait que la mesure d’interdiction de la mendicité a apparemment provoqué le courroux et la réprobation de certains « Serignes Dahra » mais en notre sens, la meilleure décision a été celle prise par l’Etat en interdisant la mendicité des enfants et en projetant d’injecter 10 milliards dans la création de centaines de Dahras modernes à travers le pays et dans l’accompagnement des Dahras qui existent déjà. Ce qui permettra non seulement aux « talibés » de bien se consacrer à leurs études mais aussi de quitter la rue pour être à l’abri de la pédophilie, des exploitations de toutes sortes, de la délinquance et du banditisme car ils font aussi partie de l’avenir de ce pays.
Cette mesure de création de Dahras modernes pourra aussi permettre de réparer une injustice séculaire, qui a été héritée des régimes précédents et qui consiste à ignorer et laisser en rade l’école coranique. De surcroît, elle (la mesure de l’Etat) donnera aussi la possibilité d’éviter que des catastrophes comme la mort de sept enfants se reproduisent car l’incendie de Médina est l’arbre qui cache la forêt, puisqu’il y a d’autres habitats de « talibés » bien plus délabrés que celui qui a brûlé à Médina.

Au demeurant, les Serignes Dahras ne doivent pas voir en cette mesure d’interdiction de la mendicité des enfants une défiance ou un affront pour l’Islam. C’est tout le contraire dans la mesure où celle-ci ne vise rien d’autre qu’à accorder à l’Islam sa vraie place, en redorant le blason de l’école coranique. Du reste, le mécontentement de certains « Serignes Dahras » n’ayant pas bien compris la mesure ou l’interprétant mal pourrait faire l’affaire des terroristes au Nord-Mali qui sont à nos frontières, et des foyers terroristes dormant dans notre pays qui y verraient une brèche dans laquelle s’engouffrer pour déstabiliser le pays, perturber la quiétude sociale et faire leur sale besogne de terroriste. Alors faisons tous attention à cela.

Il y a beaucoup de problèmes sociaux (chômage, cherté de la vie, etc.) auxquels l’Etat est en train de faire face, parmi eux celui non moins important des « talibés ». D’où la nécessité de poursuivre les audits pour que l’argent du contribuable qui a été spolié par certains dignitaires de l’ancien régime soit rendu au peuple pour apporter des solutions concrètes aux problèmes sociaux et tirer les Sénégalais des dures réalités de leur quotidien.

Papa Mbar Faye,
Secrétaire Général du Mouvement VIGILANCE

Papa Mbar FAYE

Mardi 19 Mars 2013 21:56

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