Arabie saoudite: le cheikh al-Nimr exécuté


Le royaume sunnite d'Arabie saoudite vient de décapiter 47 personnes condamnées pour terrorisme. Parmi elles : un dignitaire religieux chiite, NimrBaqr al-Nimr, 56 ans. Le chiffre de ces exécutions est considérable, mais il ne constitue pas véritablement une surprise. En revanche, les conséquences de la mort du dignitaire chiite sont imprévisibles. Des dizaines de personnes ont manifesté à Bahreïn ce samedi.
Il y a plusieurs semaines, un journal proche du ministère saoudien de l'Intérieur avait annoncé l'exécution imminente d'une cinquantaine de terroristes. Cette annonce, qui était quasiment passée inaperçue, n'avait pas été suivie immédiatement d'effet comme on aurait pu s'y attendre. Elle s'inscrivait dans la campagne officiellement menée par le royaume contre al-Qaïda et le groupe Etat islamique, juste avant l'annonce, il y a quinze jours, d'une coalition de 34 pays sunnites contre le terrorisme. Mais beaucoup craignaient que le régime saoudien profite de ces exécutions pour éliminer des opposants chiites n'ayant rien à voir avec le jihadisme. Et c'est effectivement ce qui s'est produit avec la décapitation du cheikh NimrBaqr al-Nimr.
Le risque d'une vive réaction dans l'est du royaume saoudien
En octobre 2014, Nimr al-Nimr, religieux chiite non violent, avait été condamné par un tribunal saoudien à la décapitation, suivie de crucifixion, pour sédition. Quelque mois plus tard, son neveu Ali Mohammed al-Nimr, âgé de 17 ans seulement au moment des faits qui lui sont reprochés (participation à une manifestation), écopait de la même peine. On attend désormais de voir comment réagiront les alliés occidentaux de l'Arabie saoudite, à commencer par la France et les Etats-Unis. Mais compte tenu de la très grande popularité du cheikh Nimr al-Nimr chez les chiites saoudiens, qui représentent 10 % de la population du royaume, il faut surtout s'attendre à de très vives réactions dans le pays lui-même, notamment dans la province orientale.
Le frère de Nimr al-Nimr s'exprime après la mort de ce dernier
L'exécution de NimrBaqr al-Nimr risque de provoquer une poussée de « colère des jeunes » chiites d'Arabie saoudite, a prévenu le frère du cheikh, Mohammed al-Nimr, auprès de l'Agence France-Presse. Ce dernier appelle au calme et « espère qu'il y aura un mouvement de protestation pacifique ». « Il y aura des réactions négatives à l'intérieur du royaume et à l'étranger, mais nous espérons qu'elles seront pacifiques », explique-t-il. « Nous rejetons la violence et l'affrontement avec les autorités tout comme le martyr cheikh. » Ce samedi, des dizaines de personnes ont d'ores et déjà manifesté à Bahreïn. Elles ont brandi des portraits du cheikh et se sont opposées aux forces de l'ordre dans le village chiite d'Abou Saïba, à l'ouest de la capitale Manama. La police locale a dû tirer des gaz lacrymogènes.
Les premiers commentaires viennent de Téhéran et de Beyrouth
L'Iran, grande puissance chiite, avait mis en garde l'Arabie saoudite contre les conséquences d'une exécution de Nimr al-Nimr. Et Téhéran n'a pas tardé à réagir à l'annonce de sa décapitation. « Le gouvernement saoudien soutient d'un côté les mouvements terroristes et extrémistes, et dans le même temps utilise le langage de la répression et la peine de mort contre ses opposants intérieurs », dénonce Hossein Jaber Ansari, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, qui assure que Riyad « paiera un prix élevé pour ces politiques ». Le Conseil suprême islamique chiite du Liban condamne également les faits, qualifiés d'erreur « grave ». « L'exécution du cheikh Nimr est la mise à mort de la raison, de la modération et du dialogue », écrit le cheikh Abdel Amir Kabalan, vice-président du Conseil, dans un communiqué.
 


Samedi 2 Janvier 2016 11:32

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