Appel à témoin Lettre ouverte au Président Abdou DIOUF


 
Monsieur Le Président,
Il y’a vingt six ans vous accordiez, en votre qualité de chef de l’Etat du Sénégal, l’asile au Président Hissène HABRE. Aujourd’hui qu’il vient d’être appréhendé dans des conditions rocambolesques, vous devez à la nation sénégalaise un témoignage sur les motivations qui avaient rendu acceptable alors, son établissement sur notre sol.
Ma position sur ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Hissène HABRE est connue. Je me refuse à me prononcer sur le bien fondé ou non des accusations portées sur sa personne. Je m’en tiens, exclusivement, à la sacralité du droit d’asile ancré dans les profondeurs de mon âme negro africaine et musulmane. La notion de Teranga, que nous revendiquons comme sceau de l’identité de notre nation, est consubstantielle de la notion de l’hôte-roi à qui nous concédons des droits exorbitants en raison de sa qualité d’étranger.
Sous ce rapport je souffre dans ma chair, et je ne suis pas le seul, du traitement qui vient d’être fait à notre hôte de vingt six ans qui n’a outrepassé, à ma connaissance, aucune des règles de bonne conduite en vigueur dans notre pays.
Monsieur le Président, pour quelles raisons aviez vous accepté Hissène HABRE chez nous ? Pourquoi aviez vous autorisé qu’il s’établisse, famille et biens, dans notre pays ? Monsieur le Premier Ministre Abdoul MBAYE, alors banquier, avait facilité ses ouvertures de comptes et ses placements après en avoir référé, a-t-il dit pour se défendre, à la chaine de hiérarchie appropriée. Sur quoi s’était on fondé pour l’y autoriser ?
En tout état de cause, le Président Habre semble s’être établi au Sénégal  en toute confiance dans la permanence et la continuité de l’Etat de droit. Notre Etat. Notre Droit.
Nous avons assisté, depuis une dizaine d’années, à ce qu’il est convenu d’appeler une vendetta médiatico-judiciaire de la part « d’organisations internationales des droits de l’homme » dont on peine à comprendre les réelles motivations. Elles viennent d’avoir gain de cause et bénéficient, pour devoir accompli, des félicitations télévisées du Président Idriss Déby. Ce qui est, pour le moins, maladroit et inapproprié. Au demeurant, la position de Deby dans l’administration HABRE d’alors mérite d’être clarifiée. Pour situer sa responsabilité personnelle dans cette affaire.
La justice ne saurait être à géométrie variable. Elle se fonde, pour chaque peuple, sur les valeurs profondes qui cimentent son âme. C’est pour cela que la notion d’une « Justice internationale » désincarnée, qui ressemble fort à une justice des plus forts, est sujette à caution. Une justice qui cannibalise, au besoin, les institutions judicaires normales de pays souverains est suspecte à l’instar de toutes ces « cours pénales internationales » qui sont de mode depuis quelques années.
Il est préoccupant de constater que toutes les guerres et massacres conduits ces dernières années par les « grandes puissances » ont été validés par des résolutions hâtives du Conseil de sécurité. Pour les légitimer. Sans droit. Ou plutôt avec un ajustement du Droit à la raison du plus fort. Pour ne prendre que l’exemple de l’Irak, on nous avait certifié l’existence d’armes de destruction massive pour justifier la mise sur pied d’une « coalition militaire internationale »… Où sont-elles ? Les centaines de milliers de morts irakiens auront-elles des « organisations des droits de l’Homme » pour attraire Georges BUSH devant une cour ? J’en doute … L’Histoire nous enseigne pourtant que la vérité des faibles finit toujours par triompher. Toutes les Révolutions porteuses de progrès en attestent.
Pour l’heure, Monsieur le Président, nous aimerions tant entendre votre témoignage, d’une voix si autorisée, sur cette lancinante actualité de notre pays.
Respectueusement.
Amadou Tidiane WONE
Ecrivain, Ancien Ministre
Ancien Ambassadeur
woneamadoutidiane@gmail.com

Bamba Toure

Mardi 2 Juillet 2013 21:59

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