Antou Guèye Samba, directeur de l’Aser : « 2.500 villages supplémentaires seront électrifiés »


Le Directeur général de l’Agence sénégalaise d’électrification rurale affirme que le Sénégal peut atteindre le taux de 60% d’électrification fixé par le Plan Sénégal émergent. Il annonce que 2500 villages supplémentaires seront électrifiés grâce au Programme national d’électrification rural.

L’électrification fait partie des 27 projets phares du Plan Sénégal émergent. Quel rôle joue l’Aser dans la réalisation de ce plan ?
Sur les 27 projets du Plan Sénégal émergent (Pse), nous avons un point qui s’appelle accès universel à l’énergie.  C’est le 27ème projet phare.  L’objectif est d’atteindre un taux d’électrification de 60% à l’horizon 2017. Nous comprenons tous l’importance de l’énergie dans la mise en œuvre du Plan Sénégal émergent. C’est un secteur vital pour que les autres secteurs puissent se développer. Et nous sommes conscients du rôle central de l’électrification dans la mise en œuvre du Pse. C’est pour cela que nous développons de nombreux projets dont certains ont démarré. D’autres vont commencer afin que nous puissions atteindre l’objectif fixé par le chef de l’Etat. Nous sommes en train de développer un grand programme de  concession. Six concessions ont été attribuées. Celles-ci devraient, en plus, des autres programmes en cours, nous amener à un taux d’électrification de 43% à l’horizon 2017. Pour combler le gap des 17%, nous avons développé, en collaboration avec le ministère de l’énergie, un programme national d’urgence d’électrification rurale. Le financement est estimé à près de 107 milliards de FCfa hors taxe.

Quels sont les objectifs assignés à ce programme ?
Ce programme devrait permettre d’avoir un taux d’électrification de 17%. Le territoire  sénégalais a été divisé en 10 zones géographiques. En termes d’accès à l’énergie, nous essayons, dans chaque zone, de confier l’exploitation des villages à un opérateur privé. Nous privilégions le partenariat public-privé.  De 1960 à 2000, Senelec était l’unique vendeur d’énergie aux populations.

Avec la création de l’Aser, les zones rurales ont été délimitées en 10 zones. Chaque zone devra être exploitée par un concessionnaire privé. La Senelec continue à gérer tous les villages connectés sur son réseau. Nous développons, avec l’appui de l’Etat, des programmes d’urgence. Un programme dénommé Inde phase II est en démarrage.  Il doit permettre l’électrification de 268 villages avec un financement de 27 millions de dollars. Ce projet a démarré. Environ 40 villages ont été électrifiés grâce à ce programme. Nous devons confier l’exploitation à des opérateurs privés. Ce sont les grands programmes qui sont en cours mais nous allons démarrer quelques-uns sous peu. Nous avions émis une requête de financement auprès de la Banque islamique de développement pour l’électrification de 177 villages par voie solaire avec des mini-centrales. Ce projet permettra de revoir le système d’alimentation de certains villages électrifiés, puisqu’en 2006, l’Aser avait électrifié des chefs-lieux de commune avec des groupes électrogènes. Le litre de gasoil coûtait environ  300 FCfa. A l’époque, cette solution était économiquement viable.

Aujourd’hui, avec le coût du gasoil qui est cher, aucun opérateur ne peut se permettre d’exploiter ces villages. Nous allons profiter de ce financement pour mettre de l’énergie solaire dans ces villages que nous allons coupler avec les groupes électrogènes. Ainsi, les villageois pourront avoir de  l’électricité 24h/24. 53 villages sont concernés par ce projet. C’est un financement de 58 millions de dollars cofinancé par la Bid, la Boad et l’Union européenne. Nous sommes en train d’examiner les conditions de levée  pour mettre ce financement en vigueur et sélectionner les consultants avant de choisir les entreprises. Il y a un an, nous avons lancé une requête auprès de l’Union européenne pour le projet « faciliter énergie II » pour alimenter des villages dans la zone de Matam. Nous avons pu décrocher une subvention non remboursable de 8 millions d’euros  que l’Etat doit compléter puisque c’est un projet de 16 millions d’euros. Ce projet va bientôt démarrer. Nous avons sélectionné les consultants, les appels d’offres seront bientôt lancés pour le choix des entreprises qui vont faire les travaux.

Jeudi dernier, une requête a été introduite au fond d’Abu Dabi pour les projets d’Irena et a reçu un avis favorable. Nous allons passer à une échelle plus grande sur le nombre de villages électrifiés.

On constate que beaucoup de bailleurs accompagnent les programmes d’électrification. Qu’est-ce qui explique cela ?
Nous pouvons dire que la confiance des bailleurs est revenue à l’Aser. Toutes ces requêtes de financement ont eu un avis favorable et montrent que nous sommes sur la bonne voie pour redresser l’Aser. L’autre axe sur lequel nous sommes en train de travailler, c’est la réorganisation de l’Aser. L’organisation que nous avons ne permet pas d’avoir une productivité nécessaire.

Comment comptez-vous mettre fin à cette situation ?
Nous sommes accompagnés par le Bureau organisation et méthode depuis un an.  Nous avons défini le schéma global de l’organisation et nous devons continuer le travail avec un comité ad-hoc qui a été mis en place. Il sera composé de la direction générale de l’Aser, du Bom et de quelques membres du Conseil d’administration. L’objectif est de mettre en place une organisation qui puisse fonctionner de manière optimale. Nous allons mettre en place un plan triennal de développement. C’est un outil qui n’a jamais existé. C’est cette stratégie de développement qui va définir la vision, les valeurs  et les moyens qu’il faut pour mieux accompagner la stratégie de l’Etat dans le domaine de l’électrification rurale.  En 2012, l’Aser trainait une dette d’environ 3,5 milliards de FCfa qui était composée de dettes fiscale, sociale, bancaire et envers les entreprises. Sur ces 3,5  milliards, il ne nous reste qu’un stock d’environ 300 millions de FCfa. Malheureusement, l’Aser ne peut pas payer certaines entreprises.

Pourquoi ?
Les procédures de passation des marchés publics n’ont pas été respectées.

Nous sommes à moins de d’un an de 2017. Pensez-vous que l’Etat peut atteindre ses objectifs ?
Les délais sont courts mais les projets sont réalisables si les financements arrivent à temps. En plus des projets que nous allons démarrer, nous venons de signer, avec un opérateur privé sénégalais, un contrat sur la base d’une offre spontanée de 60 milliards de FCfa.   Nous continuons à travailler pour d’autres offres spontanées.   Nous sommes optimistes.

Combien de villages seront électrifiés ?
Le programme national d’électrification rural permettra d’électrifier 2.500 villages supplémentaires. Sur le financement de 60 milliards, nous allons combiner l’électrification des villages avec la construction de dorsales moyennes  tensions. Ces lignes permettront de toucher les villages qui n’ont aucune possibilité d’être connectés au réseau de la Senelec.

Quel impact l’électrification a eu sur les villages desservis ?
Nous ne nous contentons pas d’amener l’électricité dans les ménages, nous l’amenons dans les zones de production. Cela permettra de fouetter l’économie rurale. Nous avons pris en compte les besoins des entreprises comme la Saed, l’Anida et d’autres structures de production pour les intégrer dans notre programme. Nous sentons un engouement des populations. L’électrification d’une localité booste l’économie locale. Elle crée beaucoup d’emplois. Quand vous installez l’électricité dans une localité, les tailleurs et  les autres ouvriers viennent.  Quand les jeunes émigrés entendent que leur village est électrifié,  ils y investissent. Ils commencent à penser à la construction d’école et de structure de santé. Dans la zone du Fouta, les populations n’attendent pas l’Etat. L’électrification pousse les émigrés à   investir dans leurs villages.

Combien d’emplois sont créés ?
Difficile de l’estimer. Chaque projet qui démarre crée de nouveaux emplois. Nous n’avons pas de chiffres précis, mais nous savons que beaucoup d’emplois sont créés. Nous accompagnons l’installation de l’électricité avec de la formation. Nous demandons aux entreprises de former les jeunes pour l’entretien des installations.

Quels sont les critères définis dans le choix des villages à électrifier ?
Ce sont des critères économiques qui sont pris en compte. Quand nous avons un financement, nous cherchons à électrifier les villages qui sont proches du réseau de la Senelec. Quand nous avons fait le bilan en 2013, nous nous sommes rendu compte que certaines zones du Sénégal sont défavorisées. Dans certains départements, nous avons un taux d’électrification de 6% alors que d’autres étaient à 40%. Le programme national d’urgence prévoit un minimum de 30 % dans chaque département. Et 60% en moyenne dans le Sénégal. Le premier critère est la taille du village. Un village qui a mille habitants est prioritaire par rapport à un village qui a 200 habitants. Depuis l’arrivée du président Macky Sall, il n’y a pas de critères politiques ou religieux. Nous mettons en avant l’aménagement du territoire. Il y a une transparence totale dans le choix des villages.
Propos recueillis par Babacar DIONE



Dimanche 24 Janvier 2016 09:10

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