Adieu, l’unique !


Le Sénégal a appris, non sans grande tristesse, le décès, à l’hôpital américain de Paris, de Serigne Mansour Sy, khalife général de la communauté musulmane des Tidianes. Il était affabulé du sobriquet de Borom Daradji. Ce surnom était en quelque sorte un hommage à la mission qu’il s’était assigné de son vivant, celle d’éducateur. En cette pénible circonstance, nous adressons nos condoléances les plus attristées à sa famille, à ses disciples, à toute la communauté musulmane et à toute la Nation sénégalaise. Nous venons tous de perdre un personnage exceptionnel, un être cher, une icône, une authentique école de sagesse, saturée d’humanisme, d’art de vivre, d’altruisme et de générosité, un modèle citoyen exemplaire, infiniment apprécié par la quasi totalité de tous ceux qui ont eu le plaisir de le côtoyer et de le connaître. Le port altier et la bonhomie étaient une marque de fabrique chez Serigne Mansour. Il était «unique» comme on dirait de façon triviale. La volonté de Dieu, le Tout Puissant, en a voulu ainsi et pas autrement. Dieu a fait prévaloir sa volonté sur le devenir du regretté défunt Borom Daraji. «A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournerons».

La dépouille de Serigne Mansour Sy a été enterrée la nuit dernière à Tivaouane. Les autorités religieuses de Tivaouane, en parfaite complicité avec les autorités de l’Etat, ont pris toutes les dispositions pour rapatrier le corps par vol spécial et incognito. On s’est employé, autant que possible, vu les circonstances, afin de soustraire la cérémonie d’enterrement aux regards des curieux et surtout éviter d’éventuels débordements. Il faut dire que l’annonce du décès de Serigne Mansour, avant d’avoir procédé à son enterrement, aura été une erreur. Il est une coutume au Sénégal que la mort des grands dignitaires religieux n’est annoncée au public qu’après la cérémonie d’inhumation toujours faite dans une certaine intimité. Cela a toujours été le cas avec les décès des khalifes des grandes confréries religieuses. On se rappelle qu’il en avait été ainsi systématiquement lors du décès de ses trois prédécesseurs au khalifat de Tivaouane en l’occurrence son père Serigne Babacar Sy et ses oncles Serigne Mansour Sy et dans une moindre mesure de Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh. Dans d’autres familles religieuses comme à Touba par exemple, le modus operandi est toujours de rigueur pour le décès de tout membre de la lignée du fondateur du Mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké.  A Ndiassane aussi, on procède de la même façon. Une telle pratique s’explique pour diverses raisons. En effet, une certaine pudeur devrait entourer la cérémonie mortuaire de ces grandes figures religieuses. Certains fidèles ne supporteraient pas de voir exposer à tous les regards la dépouille de leur guide religieux. Aussi, eu égard à la nature des relations souvent empreintes de fanatisme que les guides religieux entretiennent avec leurs disciples, des débordements peuvent être enregistrés lors de l’enterrement de grands dignitaires religieux. Certes, on pourra dire que le décès à l’étranger de Serigne Mansour Sy n’a pas facilité la tâche pour ceux qui souhaitaient l’enterrer en toute discrétion. Mais cette excuse est à relativiser car on se rappelle que lors de son décès en Angleterre, la dépouille de Cheikh Al Islam El hadji Ibrahima Niasse avait été rapatriée discrètement à Dakar et enterrée à Kaolack avant que la nouvelle de sa disparition ne fût rendue publique. Il en a été de même avec la disparition au Maroc de Serigne Mourtada Mbacké. La dépouille avait été rapatriée au Sénégal et enterrée à Touba avant que les disciples en furent informés.  Cette façon de faire semble être la meilleure pratique car lors du décès de Cheikh Assane Cissé aux Etats-Unis, des milliers de fidèles attendaient la dépouille à l’aéroport de Dakar et on avait assisté à des débordements de foule lors de la cérémonie d’inhumation à Kaolack.  

C’est dire que le dysfonctionnement observé au niveau de certains secteurs de l’Etat où toutes les hautes autorités n’ont pas su tenir leur langue est regrettable. Il n’y avait aucun mérite ou une gloriole à claironner avoir été informé avant tout le monde de la disparition de Serigne Mansour Sy ; surtout que bien des jours auparavant, le président de la République Macky Sall, avait pris, sans tambours ni trompettes, toutes les dispositions pour l’évacuation en France et la prise en charge totale des soins médicaux du khalife général des Tidianes. Il y a lieu aussi de s’interroger sur l’opportunité de la demande formulée par la famille du défunt pour son évacuation sanitaire en France après une intervention chirurgicale à Dakar qui ne laissait aucun pronostic médical optimiste sur la vie d’un vieil homme de 87 ans, très affaibli par la maladie. Les circonstances de l’évacuation sanitaire de Serigne Mansour Sy en France renseignent sur la certitude de l’issue fatale. Mais Dieu avait sans doute voulu que Serigne Mansour Sy s’éteignit en France. Encore une fois, les voies du Seigneur sont impénétrables. Que la terre de Tivaouane lui soit légère !

Il reste cependant à souhaiter que les divisions et autres petites querelles qui étaient observées, avec beaucoup de regret, à Tivaouane soient dépassées. Certaines franges de la famille de El hadji Malick Sy contestaient ouvertement l’autorité de Serigne Mansour Sy. La succession des grands hommes est toujours faite de déchirements mais, on ose espérer que l’esprit de tolérance et de dépassement sera de mise pour éviter toute attitude fractionniste qui ne contribuerait qu’à affaiblir davantage cette grande famille religieuse et la forte communauté qu’elle dirige.

Madiambal Diagne

Source: Le Quotidien

Ibou Toure

Lundi 10 Décembre 2012 13:19

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