10e anniversaire du naufrage du bateau Le Joola : Discours du maire de Ziguinchor, Abdoulaye Baldé


Monsieur le ministre des Forces armées, représentant le Gouvernement du Sénégal,
 
Monsieur le ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural,
 
Mesdames et Messieurs les ministres,
 
Mesdames et Messieurs les députés,
 
Monsieur le gouverneur,
 
Monsieur le président du Conseil régional de Ziguinchor,
 
Monsieur le préfet du département de Ziguinchor,
 
Mesdames et Messieurs les chefs de services régionaux et départementaux de la région de Ziguinchor,
 
Messieurs les sous-préfets,
 
Monsieur le président de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Ziguinchor,
 
Messieurs les maires,
 
Messieurs les présidents de communautés rurales,
 
Autorités civiles et militaires,
 
Messieurs les chefs religieux et coutumiers et représentants,
 
Mesdames et Messieurs les élus locaux (adjoints au maire, conseillers régionaux, municipaux et ruraux),
 
Monsieur le président de l’Association des familles des victimes du Joola,
 
Mesdames et Messieurs les représentants des familles françaises et sénégalaises des victimes du Joola,
 
Mesdames et Messieurs,
 
Au nom des populations de Ziguinchor et en mon nom propre, permettez-moi de vous souhaiter, comme le veut l’usage, la bienvenue dans notre ville.
 
Il y a dix ans, jour pour jour, le peuple sénégalais apprenait avec effroi la nouvelle du naufrage du Joola.
 
Le navire, qui avait si souvent bravé la houle, venait de sombrer au large de la Gambie, avec à son bord plus de 1800 personnes dont 1340 étaient originaires de la Casamance et 970 de la commune de Ziguinchor.
 
Solidaire dans la souffrance, le peuple entier pleura les morts de la plus grande tragédie de l’histoire de notre pays et de la plus grande catastrophe maritime mondiale.
 
Solidaires face à cette terrible épreuve, nous l’avons été.
 
Solidaires, nous le restons et le resterons.
 
C’est pourquoi, aujourd’hui, je tiens une nouvelle fois à exprimer ma profonde compassion aux familles endeuillées.
 
S’il est vrai que dix ans après cette tragédie, les revendications des familles des victimes sont encore nombreuses, je ne saurais passer sous silence les dispositions prises par l’Etat en faveur des familles des victimes du Joola, des orphelins et de la jeunesse casamançaise.
 
A ce jour, toutes les familles qui l’ont souhaité ont été indemnisées à hauteur de 10 millions de francs par victime.
 
La loi, votée en 2006, déclarant « Pupille de la Nation » les orphelins du Joola est entrée en vigueur il y a un an, sous l’impulsion du ministre de l’Action sociale et de la Solidarité nationale, Madame Aminata Lo.
 
C’est ainsi que 800 enfants bénéficient d’une modique aide mensuelle de 20 000 francs.
 
En 2003, 2 milliards de francs ont également été logés au Fonds national de promotion de la jeunesse (FNPJ) pour financer les projets de jeunes issus de la Casamance et, en 2007, la troisième université du Sénégal a vu le jour ici.
 
L’aménagement des gares maritimes de Dakar et de Ziguinchor, la mise en service en 2008 du Aline Sitoé Diatta et le renforcement de la surveillance du transport maritime constituent également des acquis.
 
Deux autres navires sont attendus au courant de l’année 2012.
 
Ces initiatives sont à saluer, mais elles ne nous donnent pas le droit d’occulter les attentes, encore nombreuses, des familles des victimes du Joola ni celles de la Casamance entière.
 
Le devoir de mémoire est sacré.
Aux personnes qui suggèrent qu’il est temps d’oublier ce qui s’est passé la nuit du 26 au 27 septembre 2002, je réponds qu’à l’instar des Américains qui honorent chaque année la mémoire des victimes des attaques du 11 septembre 2001 et de nombreux autres peuples frappés par des tragédies, les Sénégalais, unis dans la diversité, ne sauraient, sous prétexte de se débarrasser de mauvais souvenirs, se laisser aller à une certaine insouciance.
 
Si le malheur s’inscrit, dans une certaine mesure, dans la fatalité, les humains que nous sommes ont aussi un rôle à jouer dans les événement, qu’ils soient malheureux ou heureux.
 
Se souvenir, c’est aussi prendre conscience de ce que chacun de nous peut faire pour éviter qu’un tel drame se reproduise.
 
C’est pourquoi, je soutiens entièrement l’idée d’ériger à Ziguinchor un musée- mémorial. En tant que maire de cette ville, je m’engage à défendre ce projet.
 
Les familles des victimes réclament la liste nominative complète des personnes décédées. Cette requête est légitime. Tout comme celle concernant le suivi psychologique des 64 rescapés et des orphelins dont 800 seulement, sur les 1900 recensés après le naufrage, sont aujourd’hui considérés comme des pupilles de la Nation.
 
Les autres, ayant atteint l’âge de la majorité, sont livrés à eux-mêmes. Leur sort devrait pourtant faire l’objet d’une attention particulière de la part de l’Etat.
 
Quant à la question du renflouement du navire, réclamé par les familles des victimes, elle est si sensible et si douloureuse qu’elle mérite une attention toute particulière.
 
Concernant les poursuites judiciaires voulues par certaines familles, ce que je peux dire est qu’il s’agit de décisions lourdes et personnelles qu’elles seules peuvent prendre.
 
Nous le savons, les attentes sont encore nombreuses, mais cette journée présentant une occasion pour les familles des victimes de les exposer en détails, je souhaite qu’elles le fassent en toute liberté.

Puisque nous sommes aujourd’hui réunis, permettez-moi aussi d’exprimer, une nouvelle fois, mes remerciements aux familles et associations de familles et proches des victimes qui, dans la douleur et dans l’attente de la satisfaction de toutes leurs doléances, continuent de faire preuve de compréhension, de patriotisme et de patience.
 
Mesdames et Messieurs,
 
Alors que nous commémorons ce jour le 10ème anniversaire du naufrage du Joola, je voudrais par ailleurs lancer un appel en direction des autorités afin qu’elles reconsidèrent la question du désenclavement de la Casamance -qui est une des causes de ce drame- et particulièrement celle de la mise en service de moyens de transport sûrs et à des coûts accessibles, pour les populations et pour les marchandises.
 
La Casamance possède certes ce que peu de localités ont au Sénégal.
 
Nous avons un aéroport, nous avons un port, nous avons des routes plus ou moins praticables, néanmoins arriver à Ziguinchor, se rendre à Dakar ou ailleurs au Sénégal, ou encore expédier des marchandises est difficile. Il est temps de mettre un terme à cette situation.
 
La Casamance est riche ; elle doit pouvoir se développer et contribuer de manière significative au développement de l’économie du Sénégal.
 
A ce titre, je souhaite enfin souligner que notre région a plus que jamais besoin de soutien pour l’éducation de ses enfants.
 
La nuit du 26 au 27 septembre 2002, nous avons perdu plus de 400 élèves et étudiants. C’est toute une génération de jeunes qui aurait pu servir notre nation.
 
C’est pourquoi, connaissant les difficultés d’orientation que rencontrent nos bacheliers, je voudrais lancer un appel en faveur du renforcement de la capacité d’accueil de l’université de Ziguinchor et de l’amélioration de ses équipements.
Mesdames et Messieurs,
 
Enfin, je ne saurais terminer ce discours sans relever encore le courage et la dignité des familles des victimes et sans demander à chaque personne ici présente d’avoir une pensée pieuse pour les disparus.
Je vous remercie de votre très aimable attention.
 
Abdoulaye BALDE, Maire de Ziguinchor
Ziguinchor, le 26 septembre 2012

Abdou Khadre Cissé

Jeudi 27 Septembre 2012 12:58

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