Depuis votre victoire controversée sur Gouy Gui après lui avoir cassé le doigt, vous avez préféré garder le silence. Pourquoi cette stratégie ?
Vous savez, quand on sort d’un combat qui avait capté toutes les attentions et qui au finish s’est terminé de la sorte, c’est préférable de se taire pour ne pas envenimer la situation. Même moi, la tournure du combat m’a surpris. C’est dommage de voir le combat se terminer au bout de quelques minutes de corps-à-corps. C’est la première fois dans l’histoire de la lutte sénégalaise qu’un lutteur se fasse ainsi casser un doigt. Je me demande toujours si réellement Gouy Gui s’est cassé le doigt. C’est trop facile. On n’en était qu’aux balancements de bras quand il a subitement déclaré sa blessure. Malheureusement, par la suite, les gens n’ont même pas cherché à comprendre. On m’a traité de méchant. J’ai vraiment été surpris par les commentaires qui ont suivi.
Est-ce que vous pouvez revenir sur l’action qui a fracturé le doigt de Gouy Gui ?
Je ne vois pas quel est le mouvement brutal que j’ai fait pour casser le doigt de mon adversaire. Certains ont commenté l’image en disant que j’avais l’intention de briser le doigt de Gouy Gui, tout simplement parce que je me mordillais les lèvres quand je saisissais sa main. Ça n’a pas de sens. J’ai l’habitude de me mordre les lèvres quand je suis concentré. Pour vous dire que même moi, je n’arrive pas à comprendre pourquoi le doigt d’un gars comme Gouy Gui se fracture aussi facilement.
Le règlement vous interdit de saisir moins de trois doigts de l’adversaire. Qu’en a-t-il été réellement ?
Je maîtrise le règlement. J’avais saisi les quatre doigts de Gouy Gui. C’est en se débattant pour se dégager, parce qu’il avait peur de moi, et voulait fuir, qu’il a retiré un doigt. J’ai retenu les trois pour l’amener à lutter, mais pas pour lui casser un doigt. C’est en reculant, en fuyant, qu’il s’est blessé. D’ailleurs, c’est lui, Gouy Gui, qui m’a tendu cette main. Il voulait la mettre en écran pour m’empêcher de lire ses déplacements. Comme sa main me gênait, j’ai voulu l’écarter pour pénétrer sa garde. Hélas, ça s’est terminé comme vous savez. Je suis vraiment désolé que ça se termine comme ça. Il faut que les gens qui me diabolisent sachent que je ne suis pas méchant. Je n’ai pas fait exprès. Je n’étais pas venu pour lui casser un doigt, mais plutôt pour le terrasser.
Même si ce n’est pas fait exprès, l’acte est quand même déplorable ?
Je ne me suis pas entraîné pour casser un doigt. Il faut que les choses soient claires. C’est un accident. Ce qui est ignoble, c’est que je ne puisse pas montrer de quoi je suis capable. Je n’ai pas gagné ce combat comme je le souhaitais. Cette victoire aurait eu plus de valeur si je l’avais terrassé de la plus spectaculaire des manières.
Après le combat, Gouy Gui a introduit un recours et le Cng l’a débouté et a confirmé votre victoire. Quelle a été votre lecture de l’arbitrage du Cng dans cette affaire ?
Il faut prier pour qu’Alioune Sarr reste encore à la tête du Cng. Voilà quelqu’un de juste, de sérieux dans ce qu’il fait. Il a été sans état d’âme dans cette affaire. Le jour où Alioune Sarr va quitter la tête du Cng, ce sera la porte ouverte à toutes les injustices dans l’arène. Je n’essaie pas de lui jeter des fleurs, mais c’est dans cette affaire que j’ai vu son professionnalisme. Après ce qui s’est passé, beaucoup de personnes ont vite jugé l’affaire et pris position pour Gouy Gui. Mais à chaque fois qu’il a été interpellé sur la question, Alioune Sarr disait qu’il fallait laisser la commission faire son travail. Et cette commission n’a fait qu’appliquer le règlement, malgré tout le bruit qu’il y avait autour de l’incident. Le fait que le Cng confirme ma victoire est un signal fort pour les lutteurs. Il faut que nous lutteurs, comprenions que si on nous paie des millions pour un combat, il faut remplir notre part du contrat. C’est trop facile d’encaisser des millions, d’aller aux Etats-Unis prendre des anabolisants et venir au stade juste pour un balancement de bras et déclarer une blessure, puis vouloir gagner ce combat sur tapis vert. Ce n’est pas digne. Il n’avait même pas à déposer un recours, parce qu’il savait nettement ce que dit le règlement.
Après ce qui s’est passé, est-ce qu’on peut s’attendre à une relation saine entre vous ?
Franchement, je n’ai aucun problème avec lui. Tout ce qu’on s’était dit rentre dans le cadre de l’intimidation d’avant combat. Gouy Gui est un type bien, je vous le jure. Je l’ai pratiqué lors de notre séjour à Podor, sur invitation de Me Aïssata Tall Sall. Je l’ai entendu dire qu’il ne veut rien savoir de moi après le combat, parce que je l’ai traité de tous les noms d’oiseaux. Ça ne se dit pas. Il a fait une communication pourrie. Moi je ne lui souhaite pas de mal. Gouy Gui est un gars que je respecte. Le jour du décès de mon père, il était le premier lutteur à venir aux funérailles. Je l’ai surnommé Michelin juste pour l’amener à diminuer ce volume, qui n’est pas bon pour sa santé. Il n’est pas mon ennemi. Le jour où nos chemins se croiseront, je vais lui serrer la main.
Gouy Gui était prêt à vous affronter à nouveau pour éclairer le débat. Est-ce votre cas ?
Franchement non. J’ai fermé la page Gouy Gui. S’il voulait vraiment prouver qu’il est plus fort que moi, il devait lutter. C’est lui qui devait diriger le combat. Tout ce qu’il a fait dans ce combat, c’est fuir. S’il avait osé lutter il allait le regretter. J’étais très bien préparé. J’étais plus puissant que lui, qui n’a pris que des anabolisants pour augmenter de volume. Bref…, quand notre combat a été monté, le promoteur nous avait dit que c’était une demi-finale et que le vainqueur allait rencontrer le vainqueur du combat Tyson-Gris Bordeaux. Je suis toujours dans cette logique. Malheureusement, ce combat traîne encore. C’est pourquoi lors du combat Balla Gaye 2-Bombardier, je suis allé défier le vainqueur. On le connaît maintenant, c’est Bombardier. Je réclame Bombardier.
Bombardier est l’actuel roi, vous n’allez pas croire qu’il va accepter de vous affronter ?
Quoi ? C’est un combat logique. Je n’enchaîne que des victoires depuis 2011. J’ai terrassé tous les jeunes espoirs qui ont souhaité me croiser. Il est temps que je monte dans la cour des grands. Bombardier a personnellement dit qu’il ne sous-estime personne. A défaut de Bombardier, j’attends le vainqueur entre Gris Bordeaux et Tyson.
Pourquoi ne réclamez-vous pas Balla Gaye 2 ?
Ne dit-il pas qu’il est malade. Il faut le laisser le temps de se soigner. C’est mon potentiel adversaire, mais attendons qu’il soit guéri. Je n’écarte que Modou Lô, mon petit frère Garga et les lutteurs des Parcelles Assainies.
La saison prochaine s’annonce difficile. Les promoteurs ont sonné l’alerte d’une crise. Est-ce que vous sentez la crise venir ?
Franchement oui. D’habitude à cette période (l’intersaison) les promoteurs s’arrachent les combats. Cette fois, c’est le calme plat. Il y a peu de propositions. Personnellement, je n’ai été approché que par un seul promoteur. C’est un nouveau promoteur qui va se lancer cette saison. La crise s’annonce, mais on peut l’éviter si le gouvernement s’y met. C’est l’Etat qui doit forcer la main à certaines sociétés et les obliger à sponsoriser le sport. La lutte est notre sport national, donc les sponsors ne doivent pas la boycotter. Les grandes sociétés doivent accompagner le sport.
Source : L'Observateur
Lutte : l’adversaire de Reug Reug connu
