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Présidentielles françaises 2017 : Les jeux sont (presque) faits


Présidentielles françaises 2017 : Les jeux sont (presque) faits

Le 22 juin 2014, à la suite des élections municipales et européennes, dans un article intitulé « Crises de la vie politique française : à chaque pied son soulier ! », et publié sur le site des Echos.fr, j’écrivais que la France Nouvelle, allusion faite au sigle du Front National (FN), est en marche. A plus de deux ans de distance, l’incroyable feuilleton se poursuit avec des épisodes inédits, au-delà de la raison et de la combinaison. Le paysage politique français s’éclaircit et se raccourcit en vue des prochaines batailles électorales. Sauf accident de parcours – et le boulevard politique en est parsemé – Emmanuel Macron marchera sur le tapis rouge qui le mènera au Palais de l’Elysée en mai prochain. J’ai trois hypothèses à émettre et une certitude à partager.

Les hypothèses

1ère hypothèse : La Gauche, en rangs dispersés

Le second tour de la primaire de la Belle Alliance Populaire a consacré la large victoire de Benoît Hamon avec 58,72 % des voix (résultats quasi définitifs). Ce « frondeur » qui était qualifié de « petit poucet » de la compétition par les analystes politiques et les instituts de sondage, avec à peine 7 % d’intentions de vote, est désormais le nouveau patron d’un Parti Socialiste (PS) en grande difficulté, où tour à tour les deux têtes de l’Exécutif ont été écartées (scénario inédit sous la Ve République), à la faveur d’une situation économique, sociale et sécuritaire plus que difficile, même si un léger infléchissement est observé depuis quelques mois. Mais cette primaire à gauche consacre aussi une fracture de ligne entre le courant libéral incarné par Manuel Valls, le candidat finaliste malheureux et l’aile gauche tenue par l’impétrant du jour. Et c’est maintenant que les difficultés commencent pour le parti du défunt François Mitterrand.

C’est de notoriété que Benoît Hamon n’a ni la capacité ni les moyens pour rassembler la gauche, en l’espace de trois petits mois, à même de lui assurer une place au second tour des prochaines élections présidentielles. Il devrait plutôt s’investir à éviter l’implosion de sa famille politique entre deux courants que tout oppose et, au mieux, d’assurer au PS la place de troisième force politique, derrière Les Républicains (LR) et le FN. Sinon, ni Emmanuel Macron, ni Jean-Luc Mélenchon, au petit nuage dans les sondages, n’accepteront d’être enrôlés par moins qu’eux pour une destination connue à l’issue incertaine. Manuel Valls, candidat finaliste malheureux aux primaires, a même prévenu les électeurs que le choix de Benoît Hamon est celui de « la défaite assurée » pour la Gauche en raison des « promesses irréalisables et infinançables » de son rival. L’ex-chef du gouvernement a enfoncé le clou en assenant que c’est « l’avenir du PS qui est en jeu […] une gauche qui s’efface pour longtemps, une gauche qui s’efface dans l’opposition, et devient spectatrice » Et il est difficile, après de tels propos, de s’afficher pour l’union sacrée de la gauche. D’ailleurs, la violence de sa déclaration prémonitoire n’est pas tombée dans l’oreille des sourds. A mille lieues de ces « chicayas », le candidat d’En Marche, Emmanuel Macron, a eu des mots très durs à l’adresse du PS dont il a qualifié la primaire de « OK corral ! », allusion faite à ce grandparc d’attraction. Quant au candidat de La France Insoumise (FI), Jean-Luc Mélenchon, en fière embuscade, rêve d’un dernier round pour porter l’estocade à ses anciens camarades socialistes, et ainsi s’imposer comme le leader incontestable de la Gauche plurielle.

2ème hypothèse : Le duel des « 2M » (Macron vs Marine)

Le second tour des prochaines élections présidentielles françaises se dessine avec plus ou moins de netteté, entre deux acteurs politiques, un candidat inattendu (Emmanuel Macron) et une candidate favorite (Marine Le Pen). A l’opposé d’une gauche divisée et dont la primaire a entériné la fracture, la droite républicaine fait front commun autour de leur candidat, François Fillon, dont la cote de popularité subit, depuis quelques jours, de sérieux trous d’air. L’ancien premier ministre qui a terrassé, à la grande surprise générale des observateurs, les dinosaures de son parti (Alain Juppé et Nicolas Sarkozy) n’a pas pu capitaliser sur la dynamique qui l’a propulsé au devant de la scène politique française. Fraîchement déclaré vainqueur de la primaire de la droite et du centre, il avait renvoyé dos à dos ses deux principaux adversaires politiques : « La gauche c’est l’échec, l’extrême droite c’est la faillite ». Il a peut-être raison. Mais, il a certainement, et volontairement, oublié d’ajouter que la droite c’est l’incertitude. Imaginer un seul instant, en ces temps de crise, que les Français accepteront, dans leur écrasante majorité, une remise en cause de leurs droits et acquis sociaux, c’est faire preuve d’imprudence manifeste. Cet « avis de tempête » sur le modèle social français risquerait bien de l’emporter en le ramenant à une situation plus lucide. En attendant, son plus grand défi actuel c’est de s’extirper, sans grosses cicatrices, des « sables mouvants », ces scandales à répétition qu’il qualifie lui-même de « boules puantes ». Nul doute s’il la joue fine, mettant l’esprit avant le cœur, il pourrait au moins arbitrer le sprint final à la course pour l’Elysée. Et au mieux, profiter du faux pas d’un des finalistes présumés pour se hisser au second tour.

Et à ce jeu, Marine Le Pen a la vaisselle dans les poches. Tous les analystes la voient au second tour de la présidentielle de mai prochain. Le travail d’enracinement de son père et sa stratégie de dédiabolisation ont fini par transformer le « vote de défiance » en « vote d’adhésion » à son parti. La persistance de la crise socioéconomique dans le pays et en Europe a parachevé leur œuvre. Quant au jeune loup de la politique française, Emmanuel Macron, en déclarant n’être encarté ni à gauche ni à droite, il a eu le nez fin et l’œil avisé. Les sages africains disent : « Si vous voyez un sourd courir, ne vous posez pas de questions, suivez-le, car il n’a pas entendu le danger, il l’a vu ». Encore méconnu du grand public il y a deux ans, le phénomène Macron passionne et impressionne. Pour échapper au piège « des querelles de clans », l’ancien ministre de l’économie a adopté la stratégie de l’écureuil : rebondir en sautant d’une branche à l’autre. Et pour le moment, ça lui réussit. Pourtant, il doit se rappeler que la vitesse n’a jamais réduit la distance. S’il veut arriver à bon port, il doit se hâter sans précipitation, regarder droit devant lui, se soucier de là où il pose la langue, et ne pas confondre foule et peuple, sondages et suffrages. Pour les autres candidats, déclarés ou non, ce sera plus l’affermissement d’un défi personnel que la construction d’un destin national au sommet de l’Etat.

3ème hypothèse : Emmanuel Macron, président

Dans la configuration projetée, la situation au second tour de la prochaine présidentielle, pourrait être un remake de celle de 2002. A l’époque, Jacques Chirac a été réélu in fine, par un score presque à la « soviet » de 82,21 %, grâce à une coalition sans précédent des « républicains », composés de partis politiques et de la société civile. Le concept du « vote utile » prenait racine pour barrer la route au candidat du Front National, Jean-Marie Le Pen. Depuis, le père fondateur a raccroché les crampons, à son corps défendant, remplacé aux forceps par sa progéniture qui multiplie les initiatives et les annonces pour se défaire de l’image de « croque-mitaine » que ses détracteurs lui collent à la peau, et ainsi rassembler au-delà des clichés de xénophobie, de racisme et d’ostracisme dont son parti est régulièrement l’objet. Et si la politique était une pure arithmétique – ce qui n’a jamais été le cas – Marine Le Pen devrait être, avec un score inédit, la première femme présidente de la République de France. Pourtant, cette ambition politique a peu de chance de prospérer face à la forteresse qu’érigerait le « vote utile ». Les contrefeux sont déjà allumés dans les chaumières politiques. Et quelque soit le candidat qui sera opposé au leader frontiste, Macron ou autre, celui-ci sera pratiquement assuré d’une victoire nette même si le score pourrait être en deçà du niveau de 2002.

Une certitude

Au-delà des sondages et des analyses, plusieurs fois démentis, le dernier mot revient au peuple français qui décidera le 7 mai 2017 du successeur de François Hollande à la tête de l’Etat français. Le célèbre écrivain Marcel Proust qui passa sa vie A la recherche du temps perdu écrivait : « Il n’y a pas de réussite facile, ni d’échecs définitifs ». Sachons ne pas l’oublier !

 

Cheickna Bounajim Cissé

Economiste et essayiste, Président de la Commission « Banques & Compétitivité » du CAVIE



Mardi 31 Janvier 2017 - 08:13





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