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Le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel au Sénégal : complicité ou connivence


Le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel au Sénégal : complicité ou connivence

Depuis le Sénégal précolonial, la cohabitation entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel a connu beaucoup de soubresauts : conflictuelle au début avec des marabouts comme El Hadji Omar Tall, Maba Diakhou Ba, Thierno Souleymane Baal, etc. la relation s’est tempérée en devenant une relation d’accommodation du temps de Cheikh Ahmadou Bamba, de El Hadji Malick Sy, de El Hadji Abdoulaye Niass… et enfin, elle s’est terminée par une collaboration avec la génération de Serigne Fallou Mbacké, Serigne Ababacar Sy, El Hadji Ibrahima Niass… Pourtant, cette collaboration a suscité beaucoup d’interrogations. La récente sortie du porte-parole du khalife général des mourides pour recadrer le leader de Rewmi, Idrissa Seck, en déclarant que Touba n’est ni de près ni de loin impliquée dans «un deal international», est édifiante. Cependant, cette sortie remet au goût du jour la relation mouvementée entre ces deux pouvoirs : un Etat dans l’Etat. Quel est le rôle du marabout dans la société ? Quel doit être sa relation avec le président de la République ou le politicien ?

Le changement d’attitude de la part des marabouts sénégalais à l’égard des colons s’expliquait par la conjoncture nationale et internationale, en l’occurrence la paix et l’arachide. Une coopération par la parole, et pas par le cœur. Les marabouts sénégalais ont été des partenaires stratégiques des opérateurs économiques français, surtout dans le cadre des coopératives maraboutiques. Ces coopératives étaient sous la coupole des marabouts à travers les champs du mercredi (toolou alarba), même si les chefs religieux n’étaient pas, en réalité, les vrais animateurs de ces coopératives-là. 

Beaucoup d’érudits musulmans sénégalais ont également joué un rôle prépondérant dans l’expansion du colonialisme au Sénégal et en Mauritanie, en servant comme missionnaires, agents de renseignements voire même de combattants contre leurs concitoyens et frères, parfois contre leurs collègues chefs religieux. En effet, ces marabouts ont participé directement ou indirectement à l’élimination physique ou la répression des résistants armés. Ils étaient des faire-valoir, l’âme damnée du colonisateur en échange de privilèges et de promotion personnelle. Docteur en Histoire, vacataire à l’Ucad, Ngana Fall témoigne : «Certains de ces lettrés mirent leurs compétences au service de la France en travaillant dans l’administration coloniale. A Saint-Louis, l’imam ou le tamsir a souvent cumulé cette fonction à celle d’interprète et de juge ou cadi. On les retrouve aussi à l’état-major, dans le cabinet du gouverneur, à la direction des affaires politiques et indigènes. Comme interprètes, ils assurèrent les fonctions de secrétaires pour la rédaction des lettres, des proclamations, des traités et autres récits.»

Néanmoins dans un de ses récits, le Prophète de l’islam disait : «Le pire des érudits est celui qui rend visite au roi ; le meilleur des rois est celui qui rend visite aux érudits. Est sage le roi qui rend visite au pauvre, malheur au pauvre qui se met à la porte du roi.» Commentant ce hadith, Jalalud Din Rumi, un poète mystique turc du 13ème siècle disait : «En se basant sur le sens explicite de ces propos, certains pensent que l’érudit ne doit jamais rendre visite au roi, sinon il serait le pire des érudits. Ce n’est pas le vrai sens de ce hadith. Plutôt, c’est que le pire des érudits est celui qui dépend du roi. Un érudit dont la survie et les intérêts tournent autour du roi. Et il est prêt à tout pour s’attitrer l’attention et les faveurs du roi. Il ne fait état de son érudition que pour séduire le roi et gagner en promotion. Seule la peur de la colère du roi fait de lui un érudit. Il est sous le contrôle du roi, un homme à tout faire. Peut importe qu’il rende visite au roi ou que le roi lui rende visite, il est le visiteur. Et le roi reste son hôte. Si l’érudit n’apprend pas pour faire plaisir au roi, mais uniquement pour dire la vérité. Et que sa parole et ses actions ne sont muées que par la recherche et l’expression de la vérité, et qu’il ne saurait en être autrement pour lui. Comme le poisson qui ne peut vivre que dans l’eau. Un érudit pareil se soumet entièrement à Dieu, et il est guidé par Dieu en toute chose et en toute circonstance. Tous ses contemporains le portent en estime et s’inspirent de ses actes, qu’il soit au courant ou non. Quand un érudit de cette trempe rend visite à un roi, le roi est à la fois le visiteur et l’hôte. De toute façon, c’est le roi qui profite de lui et reçoit sa bénédiction.  Un tel érudit est indépendant du roi, il ressemble au soleil qui donne la lumière à tout le monde, transforme les pierres en rubis et en cornalines, change les montagnes en mines de cuivre, d’or, de diamant et de fer, rend la terre fraîche et verdâtre, fait fleurir les arbres, apporte la chaleur à la brise. Il ne fait que donner, il ne reçoit que de Dieu.» Comme le dit l’adage arabe : «Nous avons appris pour donner, mais non pour recevoir.»   

Pourtant, le prototype de marabout dont Rumi parle existe à la pelle au Sénégal et dans toutes les confréries. Par exemple, Serigne Abdou Aziz Sy qui, en catimini, réglait beaucoup de crises alors que les hommes politiques étaient devenus impuissants. Tout le monde est unanime sur son œcuménisme et son dévouement pour la paix sociale. Des marabouts de cette trempe n’attendent rien d’un Président, au contraire c’est le Président qui les convoite. Dans ses mémoires, le Président Abdou Diouf avoue : «Serigne Abdou Aziz Sy est un saint homme, non seulement un thaumaturge, mais un homme de Dieu. En 1980, une sécheresse implacable était en train de s’installer au Sénégal. Jusqu’au 27 juillet, il n’y avait pas de pluie, je m’en suis alors ouvert à Serigne Abdou. Au demeurant, j’avais constaté qu’à chaque fois que j’étais confronté à des difficultés et je lui en faisais part, je ne sais par quel miracle ces difficultés s’estompaient. Chaque fois que je lui disais avoir quelques soucis sur telle ou telle question, le lendemain je commençais à trouver des solutions. C’est donc naturellement que je lui fis part de ma préoccupation face à cette sécheresse. Il me dit : ‘’Abdou, moi je ne sais rien faire, c’est Dieu seul qui décide de tout et moi je ne peux que demander (les faveurs divines). Senghor n’est pas là (Le Président était en voyage), mais si tu peux prendre la décision de fermer tous les lieux de plaisir (bars, dancings, cinémas etc.) Que tu me donnes la chaîne nationale et la radio pour que je parle !’’ Alors on a fait ça. Le 27 juillet, il n’y avait un seul nuage ; alors pendant toute la journée, il a récité, prié et lu le Coran et le soir, il y a eu une pluie diluvienne sur l’ensemble du Sénégal.» 

Un tel chef religieux n’a besoin de rien venant d’un roi terrestre. Mais souvent dans leur cour existent des talibés qui ne sont mués que par leurs intérêts personnels. Ces talibés peuvent être soit des politiciens soit des hommes d’affaires ou des complices de ces derniers. En effet, le Président Abdou Diouf raconte que son cousin, Serigne Ndiaye Bouna, et Tamsir Mboup avaient l’intention d’importer de la friperie au Sénégal. Pour cela, ils avaient fait intervenir Serigne Abdou Aziz Sy et Serigne Abdou Ahad Mbacké. Après l’étude du dossier, ça s’est avéré impossible pour des raisons de préférence nationale. Une impossibilité que le Président dit signifier avec déférence aux deux marabouts. Mais après avoir cherché et obtenu l’aval du Président Senghor, Babacar Ba, rival de Abdou Diouf, prit le dossier et accéda à la demande des requérants. Cette attitude du Président Diouf avait été interprétée négativement par l’une des parties, ce qui a refroidi leurs relations pendant quelque temps, toujours selon le Président Abdou Diouf. C’est ce genre de comportements de la part des talibés qui mettent les marabouts dans des postures inconfortables. 

En fait, le président Mamadou Dia était victime d’un complot ourdi par des personnes qui ont leurs entrées dans la cour des marabouts. Elles l’ont taxé de marxiste-léniniste, un communiste impénitent. Donc, un homme politique pour qui la religion serait «l’opium du peuple.» Ce qui est très différent de la réalité. En effet, le président Mamadou Dia est un Socialiste autogestionnaire, ne pouvant pas concevoir qu’il y ait d’intermédiaire entre le producteur et l’Etat ; d’où le démantèlement des coopératives maraboutiques et tout ce lobby composé d’hommes d’affaires véreux nationaux et étrangers. Pourtant, à la place de ces coopératives maraboutiques, Mamadou Dia avait mis des coopératives de développement où l’Etat traitait directement avec le paysan pour l’intérêt de ce dernier. Ce qui n’a pas été du goût de ces lobbys exploiteurs qui se lancent dans une entreprise de délation et de dénigrements. Ainsi, Mamadou Dia devient persona non grata dans les foyers religieux. 

Et ce complot a eu une influence importante sur les résultats du référendum de 1963 qui s’est soldé par une victoire écrasante du Oui à 99%. Pourtant, à y regarder de très près, ce référendum n’a fait que décréter ce que le Professeur Abdoulaye Ly a appelé un «présidentialisme néocolonial». Pendant huit ans, Senghor a régné en maître absolu, sans partage, avec la bénédiction de certains chefs religieux. Coïncidence ou imitation ? Toujours est-il que ce référendum a été organisé un an après celui de la France, dont le but était d’instaurer l’élection du Président au suffrage universel : un régime présidentiel, mettant fin au régime parlementaire, aussi bien qu’en France qu’au Sénégal. 

De toute façon, l’islam confrérique est un atout pour le Sénégal, et les régulateurs sociaux que constituent les marabouts doivent être respectés voire vénérés, mais pas utilisés pour des raisons politiciennes et crypto-personnelles. En effet, le porte-parole du khalife général des mourides a raison de dire que Touba ne fait pas de deal. Mais ce qui est incontestable, c’est qu’on est en train de faire un deal sous les gonds et les verrous de Touba à l’insu des autorités religieuses. L’arrestation à la hâte du fils de Wade cache mal les velléités revanchardes de Macky Sall. Et sa libération accélérée ne saurait obéir à autre chose qu’un deal, car comment, dans un dossier de 25 personnes, arrêter quatre pelés et un tondu pendant trois ans, les juger et les gracier alors que les autres ne sont pas encore inquiétées. Et dans ce cas, vouloir faire gober aux Sénégalais que la traque continue ? Avec qui ? Qui ose-t-on toucher alors que les plus véreux sont en train de brouter paisiblement de l’herbe dorée dans les prairies marron ?        

Les préoccupations du marabout ne sont pas toujours celles du politicien. Au moment où le premier se dévoue pour l’intérêt général, le second s’agite pour sa propre promotion sociale et politique. Cependant, avec l’avènement de cette nouvelle génération de marabouts qui n’a rien à envier aux politiciens en termes d’études universitaires, au contraire ce sont ces derniers qui les redoutent, on peut espérer un changement de paradigmes dans la relation entre le spirituel et le temporel. En fait, la récente implication fructueuse du porte-parole du khalife général des tidianes, en parfaite collaboration avec Touba, dans la crise scolaire est à saluer à sa juste valeur. Dans cette crise, Touba et Tivaouane ont joué pleinement leur rôle de régulateurs sociaux. Un rôle qu’auraient joué Cheikh Ahmadou Bamba et El Hadji Malick Sy, car ils ont toujours collaboré dans une parfaite entente, ce qui est l’origine de leur réussite dans leur bras de fer avec le colon pour le bonheur du Peuple sénégalais. Une collaboration que F. Quesnote expliquait dans son œuvre intitulée Influence du mouridisme sur le tidianisme en ces termes : «Si les principes et les enseignements de El Hadji Malick Sy sont toujours et sans cesse évoqués, ce sont les pratiques mourides qui, en fait, inspirent et dirigent le comportement des marabouts tidianes.» 


Elimane BARRY 
Professeur d’Anglais
Militant du Grand parti



Samedi 9 Juillet 2016 - 09:08





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