Setal.net

Idrissa Diop, artiste : « Dans la musique sénégalaise, on privilégie le bruit »

L’artiste Idrissa Diop a fait le tour du monde avec son patchwork musical qui fait fusionner à merveille jazz, rock, funk, blues et rythmes afro-cubains pendant 28 ans. De retour au bercail depuis 2005, l’auteur de « Nobel » continue toujours de produire de la musique de bonne qualité.


En quête de nouvelles rencontres et d’autres influences musicales, il vient de sortir avec Cheikh Tidiane Tall et Dembel Diop un nouvel album intitulé « Demb ak Tay ». Cependant, Idrissa Diop, en bon professionnel, se désole de voir qu’aujourd’hui la qualité musicale est mise de côté dans certaines productions. D’après lui d’ailleurs, il existe des musiques sénégalaises et non une musique sénégalaise du nom de « Mbalakh ». Mais, pour l’essentiel, on produit plus du bruit qu’autre chose. 

Parlez nous de vous. Qui est Idrissa Diop ? 
Un petit garçon de la Gueule Tapée qui aimait beaucoup la pêche. J’étais très curieux et j’ai très tôt aimé la musique. En fait, c’était mon hobby ! Le virus me tenaille pendant plus de 40 ans maintenant. J’étais à l’école Médina puis aux Manguiers. C’était fabuleux ! J’ai passé une enfance magnifique. Certes, j’ai connu des hauts et des bas, mais je ne regrette rien aujourd’hui. Je suis une personne très timide par contre. J’étais comme tous les gosses de mon âge. Je faisais des bêtises et mes parents me redressaient. Ils me surveillaient de très prés et m’ont appris les valeurs de la vie. C’est cette éducation qui me suit depuis plus de 40 ans. J’en suis très fier ! 

Quand avez-vous décidé de tout arrêter et de faire de la musique votre métier ? 
J’ai vraiment décidé de faire de la musique à l’âge de 16 ans. En fait, tout le temps, je fredonnais des chansons à la maison. Donc, à 16 ans, j’ai compris que je voulais faire réellement de la musique. Deux ans plus tard, j’ai rejoint l’orchestre de mon quartier, le « Rio orchestra ». A 20 ans, je jouais des matinées dansantes au village artisanal de Soumbédioune. C’est comme cela que tout est parti pour moi. Néanmoins, on galère toujours quand on débute. Car nous suivions des grand-frères qui nous interdisaient de faire de la musique alors qu’eux, ils en faisaient. Il faut savoir qu’à l’époque, nous étions très influencés par la musique américaine, afro-cubaine ou latine. Il n’y avait que ça dans le pays. D’ailleurs, je reprenais des morceaux comme « Guantanamera » ou bien « El Manisero » ou « Dakar Punto Final ». Des chansons de ce genre, que je chantais dans l’orchestre de notre quartier, le « Rio Orchestra ». C’était très difficile à l’époque, parce que nous n’avions pas de soutien. Comme je l’ai souligné tantôt, nos grand-frères ne voulaient pas que nous fassions de la musique. Mais avec le temps, ils nous ont laissé un peu d’espace. 

Aviez-vous galéré alors pour sortir votre premier album à l’époque ? 
Oui, c’était la galère ! Mon premier album s’intitulait « Djoubo ». Je l’ai fait en 1967 et je parlais de paix. Aujourd’hui, c’est de plus en plus d’actualité parce que sans paix on ne peut rien faire. Vers 1966, 67, 68, je parlais de paix déjà. L’album avait connu un grand succès. C’est là où j’ai chanté « Bi tank dou lal bi » repris aujourd’hui par beaucoup de musiciens. L’album avait bien marché à cette époque. Je suis resté au pays ; j’ai forgé ma musicalité par la suite. J’ai appris le métier pendant plusieurs années. Et j’ai intégré beaucoup de groupes tels que l’orchestre du Miami avec Ibra Kassé. C’est là où étaient Youssou Ndour aussi et d’autres musiciens comme Mar Seck, Balla Sidibé, Thione Seck, entre autres. Vous savez, à cette époque-là, tous les artistes passaient par l’orchestre du Miami, appelé le « Star Band » de Dakar. C’était un tremplin. Et Youssou Ndour a eu l’idée de créer le « Super Etoile », 25 ans après. A vrai dire, c’était un temple de la musique, le Miami. J’ai fréquenté aussi une boite, le « Calypso », avant de monter avec d’autres artistes un très grand groupe au Sahel. C’est le Sahel de Dakar qui a tout changé dans ce pays en matière de musique, et de qualité de musique. Tous les artistes venaient dans cette boite-là. L’orchestre du Sahel était composé de feu Mbaye Fall, Pape Djiby Bâ, Cheikh Tidiane Tall, Seydina Issa Wade, entre autres. En fait, le Sahel de Dakar nous a rendus très forts. Beaucoup de musiciens étrangers ont joué dans cette boite. Nous avons reçu ici Manu Dibango, James Brown, Michael Jackson, Rochereau du Zaïre, Johnny Hallyday… Ouf, beaucoup de stars ont fait un tour ici ! Dakar était un carrefour de la musique. Il y avait énormément d’artistes qui venaient de l’étranger, pour découvrir le pays. Nous avions aussi reçu ici Johnny Pacheco. Il avait chanté « Dakar Punto Final », qui signifie « Dakar le point final ». Car il avait l’impression d’être dans un pays qui sort du feeling multicolore. Il y avait un brassage culturel extraordinaire. A l’époque déjà, on voyait les « Baye Fall » avec leur « ndiakhasse » et Pacheco était très impressionné par ce métissage et le brassage de la musique sénégalaise. Pour déclarer son amour au pays, il avait intitulé un de ses titres « Dakar punto final ». C’était magique, magnifique le Sénégal ! Il y avait des hauts et des bas, mais quel bonheur à l’époque. 

Qu’est-ce qui différencie votre époque et celle d’aujourd’hui ? 
Nous n’avions pas assez d’instruments. Vous savez, la jeunesse doit beaucoup à ce pays. Car, avec l’avènement de la haute technologie, tout est accessible. Comparé à notre époque, il y a un grand écart. Nous avions peu de choses, mais avec ce peu de choses, nous faisions beaucoup de choses. Il y avait de la qualité ! Aujourd’hui, il y a une révolution de la technologie, mais il faut que nous méditions beaucoup sur la qualité. Il faut donner de l’importance à la qualité, non à la quantité. J’ai comme l’impression que dans la musique sénégalaise, on privilégie plus le bruit. La qualité est reléguée au second plan. Il faudrait simplement qu’aujourd’hui, avec ce qui se joue, donner des diplômes de bruit. Il y a trop de bruits dans ce que j’entends dans certaines musiques. La jeunesse doit se concentrer plus sur la qualité pour pouvoir exporter la musique. D’ailleurs, selon moi, la musique sénégalaise n’existe pas. Il existe des musiques sénégalaises ! Parce que quand vous allez chez les Bassaris, les Sérères, les Mankagnes, entre autres ethnies, il y en a qui n’écoutent pas ce que nous, nous appelons la musique sénégalaise, c'est-à-dire le « Mbalakh ». Leur musique, leur rythme à eux, a beaucoup plus de vitalité et de force par rapport à ce que nous appelons musique sénégalaise. J’ai longtemps affirmé qu’il n’y a pas de musique sénégalaise, mais des musiques sénégalaises. L’histoire m’a donné raison aujourd’hui. 

Vous aviez réussi à vous faire connaître dans le show biz. Qu’est-ce qui vous avait poussé à quitter le pays alors que vous étiez en si bon chemin ? 
L’expérience ! Je rencontrais beaucoup d’artistes venus d’ailleurs et j’avais envie de partir d’ici pour, justement, aller augmenter mon savoir en musique. Je rends grâce à Dieu de m’avoir donné cette force-là. Car j’ai acquis beaucoup d’expérience. J’ai rencontré des musiciens dans le monde entier et j’ai partagé avec eux énormément de choses musicales. J’étais parti à l’extérieur pour vivre cette nouvelle expérience et je suis de retour aujourd’hui. Je pense que je m’en sors pas mal pour l’instant. J’ai rencontré des artistes américains, français, australiens, italiens, japonais, entre autres nationalités. Des rencontres magiques ! J’ai composé des morceaux pour de grands noms de la musique mondiale. Pourtant, j’écoutais leur musique quand j’étais gosse. C’est une fierté pour moi, d’avoir composé des musiques pour eux. C’est fantastique ! C’étaient des expériences avec des milliards d’idées, d’émotions… En fait, j’ai fait le tour du monde pendant ces 28 longues années hors du pays. 

Après 28 ans d’« exil », vous avez décidé de rentrer au bercail, histoire de reconquérir la scène musicale sénégalaise. Pensez-vous que ce sera facile pour vous ? 
Je suis parti parce que je cherchais des choses que je n’avais pas trouvées ici. Aujourd’hui, je veux partager avec la jeunesse de mon pays, les musiciens et artistes toutes ces expériences-là. Et c’est ce que je suis en train de faire depuis que je suis de retour. D’ailleurs, je commence à voir les résultats. Les musiciens sénégalais savent que je les respecte et ils me le rendent bien. 

En collaboration avec Cheikh Tidiane Tall et Dembel Diop, vous venez de sortir un nouvel album. Pourquoi le concept « Demb ak Tay » ? 
« Demb ak Tay » est un concept assez simple. Il faut se rappeler simplement de ce que nous ont légué nos aïeuls. Je suis très à cheval entre la tradition et la modernité. J’ai toujours cette sensibilité traditionnelle dans ma musique. Je suis un grand traditionaliste et j’aime beaucoup la musique traditionnelle. Pour preuve, j’écoutais les Samba Diabaré Samb, Ablaye Nar Samb... Naturellement, il y a quelque chose qui attire ma sensibilité dans leur voix et leurs instruments. Mes chansons tournent autour de notre « Galayabé » aujourd’hui. Car je suis profondément ancré dans la musique traditionnelle. Idrissa Diop, c’est ça en fait. Pour « Demb ak Tay », c’est un concept de deux générations : d’hier d’où nous sommes, Cheikh Tidiane Tall et moi, et d’aujourd’hui avec Dembel Diop. Nous avons alors décidé de passer le témoin à ce dernier. Donc « Demb ak Tay », c’est la rencontre entre l’ancienne génération et la nouvelle génération. 

Pourquoi Dembel Diop, Cheikh Tidiane Tall et vous et pas d’autres artistes ? 
C’est une question de tendresse ! Nous sommes trois êtres hyper sensibles. C’est ce que j’ai l’habitude de dire, on ne peut pas faire de la musique sans un certain degré de sensibilité. La musique n’est qu’une question d’émotion et de tendresse. Il y a aussi l’abnégation et l’humilité. Nous avons ces qualités, et nous sommes unis autour d’un concept. Aujourd’hui, tout le Sénégal en parle. Vous savez, cela fait trois ans que nous travaillons sur ce projet. Trois ans de réflexion, de douleur et de dispute aussi. Nous n’étions pas obligés de tomber d’accord sur les thèmes et autres. Finalement, nos sensibilités se sont retrouvées pour réaliser les 11 titres de l’album. Sans compétition, quand on écoute l’album, on sait que c’est de qualité. Je suis sûr que pendant des années, les gens vont écouter les morceaux. Nous avons voulu faire simplement de la musique de qualité et non de quantité. 

Bamba Toure

Lundi 12 Mai 2014 - 19:13





Setal People - 11/01/2024 - 0 Commentaire

La femme de Sadio émue : Le « Ndokolé » de ses camarades d’école… (vidéo)

Mariage de Sadio Mané : Les premières images de son épouse

07/01/2024 - 0 Commentaire

Courroucé par son divorce, le maintenancier du Prodac divulgue les vidéos d'ébats sexuels de son ex épouse

28/12/2023 - 0 Commentaire

Remariage : Mia Guissé a pris une décision

28/12/2023 - 0 Commentaire

Awa Baldé raconte sa descente aux enfers :«Je n’ai plus d’argent …»

28/12/2023 - 0 Commentaire





Google+

Partager ce site