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Fouta – aux origines du Yela : Ce chant, sirène des champs de bataille

«Frappez, entrez, rompez tout !» Ainsi chantaient les ducs de Savoie avant de se jeter à la bataille. Au Sénégal, précisément dans la région du Fouta Toro, les nobles torodos étaient poussés aux prouesses par les «gawlo» maîtres de la parole avec le fameux Yela.


Fouta – aux origines du Yela : Ce chant, sirène des champs de bataille

Un soldat au front, c’est comme un homme qui se jette dans la marre aux crocodiles. Il peut en sortir héros ou se faire dévorer goulûment. Ainsi est le guerrier qui se bat pour son empire. Il porte l’avenir de tout une contrée. Un challenge qui n’a rien à voir avec un jeu de pile ou face. Malgré tout, on gagne ou on perd. Il faut donc s’armer de courage pour ne pas être dévoré par la peur. Ce courage, nos héros du passé s’en étaient armés. Au nord du Sénégal, dans le Fouta, les Gawlo ou griots ont joué un rôle important. Avant la montée au front des guerriers, ils les requinquaient avec des chants glorieux, de sorte à remonter leur bravoure. Marque musicale du Fouta, le Yela a armé de bravoure beaucoup de combattants. Avec ces chants, les maîtres de la parole ont réussi des prouesses. Dans le Fouladou, le «Yela» se pratique un peu partout. Musique principale des toucouleurs, elle a été créée dans le Fouta-Toro par les nobles guerriers avant le règne des «Deniankobé». A l’origine, cet ensemble de chants et de danse servait de rituel pour rendre grâce à Dieu avant d’être légué aux Gawlos caste chanteuse. A Matam, précisément dans le Kanel, la maison du Gawlo, Djibril Demba Niang, abrite des voix d’or qui font frissonner…

Pour y aller, il faut quitter la route goudronnée, longer les habitations, traverser un petit marché, s’étendre à gauche avant de faire un crochet à droite pour se garer devant une modeste maison d’où est dressé un baobab dont les feuilles peinent à retrouver de leur légèreté avec ce vent sec. Chez les Niang, la chaleur torride n’est pas prétexte à la léthargie. Les activités vont bon train. Chacun s’adonne à la tâche. Un groupe de jeunes filles, sur la dalle de la fosse, font le linge, d’autres à côté font la vaisselle. Sur une natte, des femmes plus âgées se tatouent au henné. Quant aux enfants, jouer est encore la meilleure façon de tuer le temps avant le repas de midi. Dans cette concession de cinq bâtiments construits autour de quatre arbres, il est difficile de s’ennuyer. Ça grouille de monde. A l’approche des intrus du jour, les regards se font insistant, décuplés par la curiosité. Kalidou Samba Niang, père de famille et fils du propriétaire, sourit en guise d’accueil. Sans grandes difficultés, il accepte de parler du «Yela». Dans son boubou blanc assorti au pantalon, il porte son enfant, coincé entre ses jambes. «Le Yela, c’est l’histoire», glisse-t-il, d’un air intéressé. L’attention portée sur lui, Kalidou partage ce qu’il connait du Yela, dont les instruments sont les Koumbaly (petites calebasses) et les kolly (guitares traditionnelles). Sur son visage, coule une mince couche de sueur. Ce qui n’altère en rien l’affection qui se lit dans ses yeux lorsqu’il est question de la culture. De sa culture. «Dans le temps, chaque noble avait son griot. En période de guerre, quand les combattants devaient se rendre au front, chaque noble prenait son griot. Celui-ci, avant les affrontements, lui faisaient des éloges. Le griot lui rappelait la bravoure de ses ancêtres, les victoires qu’ils ont eues dans le passé. Il lui rappelait aussi sa lignée. Bref, il lui rappelait sa noblesse. Tout ça dans un joli chant qui contribue à l’armer de courage. C’est pourquoi, si un combattant promet de traverser la frontière pour affronter son adversaire, il le fera. Le griot, toujours fidèle, continue de l’encenser et de le ragaillardir pour éviter qu’il ne flanche dans sa décision.»

Signe de complicité entre torodo et Gawlo. Kalidou, dont la fierté s’entend dans la voix, poursuit : «Le griot a l’habitude de faire l’éloge de son bienfaiteur. Partout où va le Torodo, son griot le suit. Il n’y a pas beaucoup de griots qui ne travaillent pas. Non pas parce que nous ne voulons pas mais parce que nos bienfaiteurs, les nobles, ne veulent pas. Ils veulent être suivis partout où ils vont. Cette relation dépasse le matériel. Elle est affective». Acquiescements du côté d’un groupe de femmes. La plus jeune, Penda Niang, confirme en renvoyant un radieux sourire qui découvre sa belle denture. Décrite comme la plus talentueuse chanteuse de «Yela» de sa génération, elle élève sa voix de rossignol qui donne des frissons. Automatiquement, elle est suivie par le reste de la maisonnée, dans des chœurs qui montent dans le ciel du Fouta. Leurs activités laissées en suspens, dames, demoiselles et fillettes tapent des mains en chantant. Les plus éloignées s’approchent et reprennent les refrains alors que toujours dans sa bulle, Penda continue d’entonner le Yela. Ce qui fait perdre le bon sens au guide du jour«Elle chante super bien. Touche ma main, j’ai des chaires de poule. Donne-lui quelque chose. C’est comme ça. Et c’est comme ça que des griots, à travers le Yela, ont reçu beaucoup de cadeaux de leur torodo». La belle Penda, dont le brin de voix, chatouille et la taille svelte attire, poursuit sa chanson en essayant de distribuer ses éloges à la délégation. Pointant du doigt une sexagénaire au teint noir, Kalidou confie : «Cette dame est la maman de Penda. Elle est aussi chanteuse de Yela». Elle a reçu beaucoup de présents de la part de ses nobles. Une fois, on lui a donné un bracelet serti de diamant. Les nobles donnent beaucoup de cadeaux à leur Gawlo à travers le Yela. C’est des chevaux, des voitures, de l’argent … Chacun, selon ses moyens, gratifient de cadeaux son Gawlo. Mais, comme je vous l’ai dit, la relation dépasse le matériel. Le griot doit être l’ami de son noble, son conseiller qui lui soufflera toujours les bonnes décisions à prendre. C’est une relation plus fraternelle que matérielle d’où cette générosité du noble envers son griot. Le griot est un modérateur. Lors d’un mariage, même si le Torodo ne donne rien au Gawlo, ce dernier n’en pipera jamais mot. Pour lui éviter la honte et le valoriser devant sa famille et ses voisins, le griot lui fera des éloges dans son chant en listant des cadeaux qu’il lui aurait donné. Le Yela, c’est aussi ça…»

Arbre généalogique. Quittant la maison des Niang sous les airs des sonorités du Yela, on rencontre Moustapha Gadio, originaire du Fouladou, qui raconte son vécu. Retrouvé à Matam, il confie : « Le jour du mariage de ma fille, j’ai donné beaucoup d’argent. Non seulement à mes griots mais à mes esclaves et autres. Et je peux vous dire que le Yela est une chose extraordinaire. Celui qui fait l’éloge de tes ancêtres, te rappelle ta lignée, te fait connaître qui tu es, tu ne peux le remercier. Il te permet de savoir avec qui tu es. Avec le Yela, tu peux même découvrir des parents dont tu ignorais l’existence. Avec le Yela, des gens qui sont liés par le sang et qui ne le savaient pas se retrouvent. Lorsque mon griot retrace ma généalogie, j’en frissonne.» A un gawlo qui a préféré se prononcer dans l’anonymat d’ajouter : « Le griot est toujours soutenu par son noble. Quand tu as une cérémonie, le noble peut assurer toutes les dépenses.» Croisée à Médina Ndiackbé, Khadidiatou est une conservatrice qui pense que : «Le Yela est un patrimoine à conserver. Même si elle n’est plus aussi puissante que dans le passé, elle permet de faire connaître à la nouvelle génération leurs origines et les prouesses de leurs ancêtres. Ce qui peut les conscientiser en leur faisant comprendre qu’ils n’ont pas droit à l’erreur. Moi, j’ai du mal à me maitriser quand mon griot fait les louanges de mes ancêtres. C’est des moments forts. Et je ne peux décrire la fierté que je ressens en ce moment précis.» Seulement, le Yela, né au Fouta et qui s’est déplacé jusque dans le Boundou, son fief actuel, tend à disparaître. Malgré le fait qu’elle est toujours pratiquée, elle risque de mourir avec la jeune génération. Pour Kalidou Niang : «La valeur du Yela n’a pas changé mais l’importance oui. Avant, n’importe quel noble avait son griot. Ce qui n’est plus le cas. Aujourd’hui, il y en a qui ne veulent pas de cette pratique. Je parle de ceux-là qui se sont embourgeoisés. Dans certaines maisons, dès que tu élèves la voix, les gens t’arrêtent sans équivoque en te disant qu’ils ne veulent pas de ça chez eux». Les mentalités ont changé. «C’est pourquoi, si avant beaucoup de griots ne travaillaient pas, aujourd’hui, ils sont très actifs» fait savoir Kalidou. Malgré tout, le Yela fait tout pour rester ancré dans la tradition du Fouladou, dans les cérémonies de mariage, de baptême, de circoncision. Et celui qui a la chance d’être sur le viseur des «Gawlo» sera rehaussé avec tous les éloges à son égard. Un bonheur qui se paie avec des billets, des bijoux, des voitures…



Vendredi 16 Septembre 2016 - 05:52





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