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De la dimension spirituelle et économique de la Zakat

Discuter de la Zakat durant le mois béni de Ramadan se justifie doublement. D’abord, comme le jeûne de Ramadan, la Zakat est un pilier de l’Islam. Ensuite, la générosité est recommandée tout le temps dans la religion musulmane. Cependant, elle l’est davantage lors de ce mois béni. Ainsi, beaucoup de juristes conseillent aux fidèles, qui remplissent les conditions, de sortir leur Zakat durant le Ramadan pour avoir une récompense beaucoup plus élevée.


De la dimension spirituelle et économique de la Zakat
Bien qu’étant une obligation religieuse, la Zakat n’en a pas moins une dimension économique évidente et peut, vu sa fonction de transfert de richesse des plus nantis vers les plus démunis, jouer un rôle déterminant dans le combat contre la pauvreté. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de signes objectifs indiquant le retour de la religion, en général, et de l’Islam en particulier comme un facteur décisif dans tous les domaines de la vie des populations. Par exemple, sur le plan économique, on a eu à assister, sur une période relativement courte, à la chute du système communiste et à la remise en cause de certains fondements théoriques du libéralisme. Ainsi, à titre d’illustration, des courants économiques émergents tels que la nouvelle économie institutionnaliste, l’économie comportementale et l’économie islamique remettent en cause le postulat de rationalité économique qui est essentiel dans la théorie néoclassique. Sur ce point précis, l’économie islamique considère que la conviction religieuse de l’agent économique a une influence indéniable sur ses comportements économiques même si cela pourrait mener à des choix qui ne sont pas économiquement rationnels selon l’entendement néoclassique. Mieux, l’économie islamique soutient que la foi religieuse peut efficacement assumer la fonction d’incitation qui est fondamentale pour amener les agents à se comporter de la manière désirée et obtenir les résultats économiques voulus.

Dans cette contribution nous nous proposons de discuter certains aspects légaux, spirituels et économiques de la Zakat avant d’en tirer les implications pratiques et politiques.

La Zakat est le troisième pilier de l’Islam ; elle est instituée dans le Coran par le verset: «Prélève de leurs biens une Sadaqa (Zakat) par laquelle tu les purifies et les bénis, et prie pour eux. Ta prière est une quiétude pour eux. Et Allah est Audient et Omniscient »  (9 : 103).

La Zakat est ainsi présentée comme un moyen de purification spirituelle en ce sens qu’elle permet au donneur de se débarrasser de l’avarice en prenant l’habitude de donner une partie de ses biens qu’il aime par nature. Dans un Hadith, l’avarice  est citée comme une des sources de ruine: ‘3 caractères sont sources de ruine,
  • Une avarice à laquelle on obéit,
  •  Une passion suivie,
  • Une auto admiration’
Dans la conception islamique de la vie, le développement socio-économique ne saurait se réaliser  sans le développement personnel de l’Homme qui est composé de matière et d’esprit. Pour que donc l’homme puisse s’acquitter convenablement de sa mission, il devient impérieux pour lui de se développer spirituellement en se débarrassant de ses vices cités. 

L’institution de la Zakat et l’interdiction du Riba font partie des éléments les plus en vue du système économique islamique. Il est d’ailleurs, intéressant de remarquer que, sur bien des passages, le Coran  met en opposition le concept de Riba et celui de Infaaq (dépense dans le sentier d’Allah). Par exemple, dans la Sourate Al Baaarah, Allah dit : « Allah anéantit le Riba et fait fructifier les aumônes. Et Allah n'aime pas le mécréant pécheur » (2 : 276). Il dit encore dans la Sourate Roum: « Tout ce que vous donnerez à Riba pour augmenter vos biens aux dépens des biens d'autrui ne les accroît pas auprès d'Allah, mais ce que vous donnez comme Zakat, tout en cherchant la Face d'Allah (Sa satisfaction)... Ceux-là verront [leurs récompenses] multipliées» (30 : 39).

On pourrait se demander comment le fait de recevoir un surplus contractuel (par exemple 5%) sur un principal dans un prêt (Riba) ne constitue pas une augmentation alors que donner en charité une part de ses biens (par exemple 2,5%) l’est ! Si on se place dans le contexte de l’au-delà, c’est évident. Mais dans le contexte de ce monde ici-bas, il est facile de comprendre ces passages en invoquant le concept de Barakah. Avec la Barakah, les biens, qui sont purifiés par la Zakat, permettent de grandes réalisations tout en protégeant le donneur de multiples désagréments. Par contre, celui qui reçoit le Riba pourrait être amené à dépenser beaucoup plus que prévu sous forme d’ordonnances inopinées, des réparations induites par des accidents fortuits, etc., toutes sortes de dépenses inattendues qui s’expliquent par l’absence de Barakah.  Que de fois n’a-t-on pas vu le gagnant d’une grande cagnotte de loterie ou un grand détourneur de deniers publics finir dans la misère ! 

Le Prophète (SAW) avait indiqué les biens sujets à la Zakat et les taux imposables. On peut ainsi citer les biens sous forme monétaire, les produits agricoles, les bétails, etc. Cependant, vu les changements  majeurs qui se sont opérés dans la structure des économies au fil du temps, beaucoup de juristes contemporains sont d’avis que l’assiette de la Zakat doit être revue à la hausse. Aujourd’hui, les services occupent une place prépondérante dans les économies (en 2010 au Sénégal, les services représentaient environ 61% du PIB) ; de même, on trouve beaucoup de salariés qui, s’ils vivaient de manière raisonnable, auraient épargné de quoi sortir la Zakat, ce qu’ils ne font malheureusement  pas. Par conséquent, il est nécessaire, selon ces juristes, de bien comprendre l’esprit des textes et les objectifs de la Chariah dans ce domaine précis pour ne pas exclure ces potentiels donneurs de  Zakat. Autrement, on risque de demander à un paysan dont la valeur de la récolte annuelle est inférieure à 500 000 F CFA de payer la Zakat alors qu’on dispense ce cadre supérieur qui perçoit plus de 500 000 FCFA par mois ! Déjà des pays comme la Malaisie (pourcentage des musulmans environ 60%) ont adopté cette position ; et il y a même possibilité de rétention à la source pour les salariés qui le souhaitent. De son côté, les autorités fiscales tiennent compte du paiement de la Zakat pour accorder une certaine déductibilité lors du paiement de l’impôt.

Les 8 catégories bénéficiaires de la Zakat sont fixées par le Coran (9 : 60). On pourra remarquer aisément qu’elles appartiennent, en majorité, aux couches sociales dites vulnérables. Le transfert de richesses des plus nantis de la société vers ces catégories représente non seulement une forme de redistribution mais a aussi un impact sur les agrégats de consommation et d’investissement.

Empêcher la concentration de la richesse entre les mains d’une minorité est un principe de l’économie islamique (7 : 59). Ainsi, à côté de la Zakat, l’Islam a instauré différentes formes de charité, destinées à faire sortir les plus démunis de la situation de précarité. On peut citer comme exemple, le Waqf  (Habs dans le droit Malikite), une forme de charité qui est telle que l’actif est préservé de manière éternelle alors que l’usufruit est utilisé à des fins de bienfaisance. Au point culminant de leur développement, les revenus issus des Waqfs couvraient les frais sanitaires et scolaires d’une bonne partie des populations dans des localités comme Damas,  en Egypte, en Turquie …

Le professeur Cizakca, un spécialiste en la matière, a pu démontrer que l’acte notarié à la base de l’établissement de la prestigieuse université Oxford a été copié des musulmans par les Croisés lors de leurs campagnes au Moyen Orient.

L’impact de la Zakat sur la consommation s’explique par le fait qu’elle permet aux pauvres de disposer de ressources pour satisfaire leurs besoins de base. Cette augmentation de la demande entraîne une augmentation de la production si les produits de base sont d’origine locale. En d’autres termes, comme la propension marginale à consommer est plus élevée chez les pauvres que chez les riches, lorsque les premiers disposent de plus de ressources financières, le multiplicateur sera positivement affecté entraînant la production d’un plus grand volume de biens et services qui se traduit donc par la croissance économique.

Avec les problèmes sérieux que soulève la politique de crédit des institutions de microfinance classiques, on a expérimenté, avec succès, dans certains pays musulmans des modèles de microfinance islamique avec l’intégration des institutions de Zakat et de Waqf pour résoudre certains problèmes liés au financement des plus pauvres.

Dans une étude récente faite par des experts de la Banque mondiale, les auteurs ont montré que si la Zakat était collectée et distribuée efficacement, sous certaines hypothèses, cela aurait permis à 20 pays de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), sur un échantillon de 39, d’éradiquer la pauvreté si le seuil de 1,25 dollars par jour est considéré. Par exemple, pour le Sénégal, l’étude suggère que la pauvreté aurait été réduite de 57%, selon les données de 2005, si la Zakat était gérée efficacement.

La gestion efficace de la Zakat, dans le contexte sénégalais, suppose sa gestion par une agence autonome qui lui est exclusivement dédiée. Une lecture attentive des du verset (9 : 60) révèle que la Zakat doit être gérée de manière collective. En effet, le verset cite parmi les bénéficiaires de la Zakat al Aamiliin (les agents qui travaillent pour la collection et la distribution de la Zakat). Pareille option se justifie aussi économiquement.

Il ressort clairement de cette analyse que la Zakat peut avoir un impact socio-économique considérable ; l’autorité publique est ainsi interpelée pour la mise en place d’un environnement réglementaire et fiscal de nature à favoriser l’établissement d’agence de gestion de Zakat autonome ou le fonctionnement optimal de celle existante (des oulémas Sénégalais ont déjà pris des initiatives dans ce sens avec la création du Fonds Sénégalais de la Zakat). La réglementation devrait viser à créer les conditions permettant la gestion des fonds de Zakat de manière professionnelle et transparente. De son côté l’autorité fiscale devrait accorder une déduction aux entités qui s’acquittent de la Zakat comme c’est le cas avec les dons accordés à certaines organisations caritatives. Une telle politique de la part des gouvernants mettrait les populations dans des conditions de s’acquitter convenablement de leur devoir religieux.

Lorsqu’on est conscient de la puissance mobilisatrice de l’Islam, toute tentative de marginaliser cette religion dans un pays comme le Sénégal constitue un acte irrationnel. Pareillement, il est déraisonnable de ne l’utiliser qu’à des fins électoralistes. De par ses valeurs universelles et conciliables à la nature humaine, de par sa forte influence sur le comportement de la majorité des populations de ce pays, l’Islam devrait constituer une source principale d’orientation et d’incitation pour tout programme de développement.   
 
Abdou DIAW

Docteur en finance islamique

abdoulkarimdiaw@yahoo.com


Jeudi 16 Août 2012 - 07:28



Avis des Setalnautes

1.Posté par sanébo le 16/08/2012 15:49 | Alerter
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Ma cha Allah, très instructif et bien écrit. Bonne continuation

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