Depuis la dernière marche pacifique de l’Opposition politique, la Guinée connaît un cycle sans précédent de violences. A Conakry, la situation est d’autant inquiétante que la population vit sous la terreur. Toutes les activités génératrices de revenus sont bloquées, avec la fermeture de tous les magasins de la ville, consécutive aux actes de vandalisme et autres pillages perpétrés par des loubards, selon les autorités du pays. Les affrontements entre forces de l’ordre et manifestants ont déjà fait de nombreuses victimes, huit morts et plus d’une centaine de blessés, sans compter de nombreux magasins de commerce vidés de leur contenu et autres centres commerciaux incendiés.
C’est dans cette atmosphère sulfureuse, que la nécessité de recourir à une solution de sortie de crise se fait sentir, surtout que l’opposition politique s’était déjà proposé d’enterrer ses morts en grande cérémonie funèbre qui devait mobiliser une foule nombreuse, dès ce 6 mars, pour lever les corps à la morgue de Donka et les transporter au Cimetière de Bambéto où ils doivent être inhumés.
La commission de réconciliation élargie à la présidente du Conseil Nationale de la Transition –CNT-, Hadja Rabiatou Sérah Diallo, s’est rendue au domicile du leader de l’opposition politique, Cellou Dalein, pour plaider le report des funérailles des victimes tombées sous les balles des forces de l’ordre, ceci, compte tenu de la situation explosive qui prévaut dans le pays. Il va sans dire que le moment est en effet critique pour le pouvoir qui ne semble avoir de choix que de recourir à toutes initiatives pouvant lui permettre de souffler.
Une fois encore, le président de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée –UFDG-, au nom de ses pairs, exprimera une certaine volonté de paix, en acceptant le report des funérailles- qui étaient prévues pour ce mercredi 6 mars, à une date ultérieure qui sera communiquée, selon lui, au moment opportun.
Aussi, les manifestants auront-ils trouvé nécessaire d’observer une trêve pour cette journée du 6 mars. Il faut souligner que dans ses déclarations adressées aux militants et sympathisants de l’opposition politiques, Cellou Dalein ne manquera pas de « saluer le courage des manifestants », non sans leur demander de « rester mobiliser jusqu’à la victoire finale. » Il exprimera sa compassion aux familles des victimes et demandera à ce que des enquêtes soient ouvertes pour situer les responsabilités. Le président de GuinéePour Tous –GPT-, Ibrahima Kassory Fofana (un des nombreux ex-alliés du président Condé) dénonce l’attitude des Forces de l’ordre et parle d’une différence dans le traitement des militants. L’ancien ministre de l’Economie et des Finances, lui aussi, demande aux militants et sympathisants de l’Opposition de restés mobilisés. Il invite toutes les populations de Conakry, de quelque obédience qu’elles soient, de s’apprêter pour accompagner les « Martyrs de la Démocratie» à leur dernière demeure. Parmi les victimes de la répression, il y a la fille, âgée de sept ans, d’un des jardiniers de l’ambassade des Etats Unis en Guinée. Comme pour dire qu’il n’y a aucun doute sur l’usage de balles réelles par les forces de l’ordre. L’Ambassadeur des Etats Unis en Guinée, M. Alexander Lascaris, devait entreprendre une visite dans les centres hospitaliers pour rencontrer les victimes des répressions des journées sanglantes à Conakry et à l’intérieur du Pays.
Joint au téléphone, le président de l’Union Nationale pour le Renouveau –UNR- Boubacar Barry, alias Big-up, se dit très surpris par le comportement du pouvoir en place et se dit décidé à « veiller à ce que les revendications de l’Opposition soient entendues à fin d’obtenir la mise en place d’un processus crédible devant conduire à des élections libres, crédibles et acceptées de tous. » A défaut, dit-il, « l’Opposition utilisera tous les moyens légaux en sa possession pour se faire entendre et faire prévaloir le droit et la constitution. »
Par ailleurs, un ministre en fonction et très proche du président Condé, sous couvert de l’anonymat, se dit très étonné par l’ « entêtement du professeur » qui « joue avec le feu » sachant bien que « les militaires n’attendent que la situation se dégrade d’avantage pour reprendre le pouvoir ». A noter que le pouvoir craint très fort cette marche funèbre qui se déroulera sur près de 12 km et mobilisera plusieurs milieux de personnes. Le pays va mal, voilà ce qu’il conviendrait de dire.
Dans le cadre du dialogue politique, une rencontre initiée par le gouvernement guinéen sous la présidence du premier ministre Saïd Fofana est prévue ce jeudi 7 mars au Palais du peuple. L’Opposition y sera représentée par trois personnalités dont son porte parole Aboubacar Sylla. Nous y reviendrons.
Hadja Yarie Camara
Correspondante permanente du sn.net
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